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L’intestin et le microbiote jouent un rôle dans l’autisme

dernière mise à jour le 24/03/2016

La « découverte » ou redécouverte du microbiote, de ses nombreuses fonctions et de son rôle dans des pathologies très variées, a libéré les esprits et la recherche, parfois sans modération, si l’on en juge par le nombre de publications. Le rôle du microbiote intestinal dans l’obésité est certain, ainsi que dans les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI), tout particulièrement la maladie de Crohn.

Mais c’est dans le domaine des troubles psychologiques et psychiatriques que les esprits se sont libérés, allant jusqu’à créer le concept du « gut-brain axis » ou axe cerveau-intestin donnant lieu à des best-sellers de vulgarisation scientifique un peu trop « empressés ». Certes, le système nerveux ne peut pas échapper à l’influence du microbiote, mais il faut beaucoup de prudence pour évaluer son niveau de responsabilité parmi les multiples facteurs des pathologies psychiatriques.

En ce qui concerne l’autisme, le nombre de travaux sérieux est désormais assez important pour affirmer que le microbiote joue un rôle dans cette grave pathologie, et tout particulièrement dans l’autisme dit « régressif », celui dont les symptômes ne se manifestent qu’après 30 mois. Certains contestent la réalité de cet « autisme régressif », considérant qu’il s’agit d’un retard au diagnostic, alors que les symptômes seraient présents depuis la naissance. Peu importe, les relations entre le microbiote et la grande variété des troubles du spectre autistique ne sont aujourd’hui plus contestable.

On peut suggérer que dans les formes précoces, les facteurs héréditaires prédominent très largement, alors que dans les formes tardives, l’environnement a un rôle relatif plus important. Expliquant pourquoi le rôle du microbiote est plus facilement démontré dans les formes « régressives ».

Il existe un lien certain entre la perméabilité intestinale et les troubles autistiques. Les enfants autistes ont une paroi intestinale moins étanche et la cohésion des cellules de leur muqueuse digestive est moins bonne.  

Les études expérimentales montrent que plusieurs symptômes de l’autisme s’améliorent lorsqu’on administre à des souris une bactérie humaine, Bacteroides fragilis, connue pour favoriser la cohésion de la paroi du côlon. Un régime d’une semaine de ce probiotique après le sevrage des souris a corrigé plusieurs troubles psychomoteurs, l’anxiété et l’absence de communication. Les chercheurs ont ainsi déterminé que ces troubles pouvaient être dus à une substance bactérienne diffusant dans le sang. Une molécule analogue a d’ailleurs été retrouvée chez les personnes autistes, dont le système digestif est souvent perturbé et appauvri en bactéries productrices d’acides gras à courte chaîne.

 

Chez les humains, la mesure de la perméabilité intestinale par le test glucose/mannitol est anormale chez 36,7% des autistes et chez 21,2% de leurs proches au premier degré. Alors que cette perméabilité n’est altérée que chez 4,8% des témoins sains. Suggérant un facteur héréditaire conditionnant l'étanchéité du tractus intestinal.

La calprotectine fécale, marqueur des MICI, présente un taux élevé chez 24,4% des autistes et 11,6% de leurs proches. Mais il n’a pas été noté de corrélation entre la calprotectine et la baisse la perméabilité intestinale.

D’une manière générale, les symptômes gastro-intestinaux (diarrhée, constipation, douleurs) sont présents chez 43,7% des autistes. 

On a identifié chez des enfants autistes une forme particulière de maladie inflammatoire intestinale révélée par les biopsies. Il s’agit d’une entérocolite lymphocytaire ayant des caractéristiques auto-immunes, elle est distincte des autres MICI et ne se retrouve que chez des enfants atteints d’autisme régressif.

La flore des enfants atteints d’autisme sévère est moins variée et assez comparable d’un patient à l’autre. Le phylum des Bacteroidètes est très abondant alors que le phylum des Firmicutes prédomine chez les témoins sains. On trouve également des différences moins importantes, dans les phylums des Actinobacteries et Protéobactéries. Dans ces cas d’autisme sévère, il reste difficile d’évaluer dans quelle mesure ces microbiotes spécifiques sont causes ou conséquences de la pathologie, ou les deux à la fois.

Les plus nombreuses études concernent le genre Clostridium. La variété des espèces est nettement plus élevée en cas d’autisme régressif. (9 espèces contre 3 habituellement). L’administration de vancomycine peut même améliorer provisoirement les symptômes de l’autisme ! Dans ces cas d’autisme régressif, la présence de Clostridium, bien connu pour résister aux antibiotiques, suggère le rôle possible d’un excès de traitements antibiotiques, après la naissance. Une telle hypothèse est confortée par la fréquence de l’autisme chez les grands prématurés qui reçoivent souvent de nombreux antibiotiques, mais elle mérite de plus amples confirmations. De la même façon, les corrélations entre la césarienne, les perturbations de la flore du nouveau-né et la plus grande incidence de l’autisme méritent d’être approfondies.

Ces perturbations de la flore concernent aussi l’estomac des enfants autistes, on y trouve un nombre important de bactéries anaérobies et microaérophiles non sporulées, alors que celles-ci sont absentes chez les enfants sains. En cas de trouble gastrique, le genre Sutterella ne se trouve que chez les enfants autistes et pas chez les enfants au développement normal.

Nous pourrions multiplier les exemples sans jamais pouvoir relater tous les résultats qui ne cessent de s’accumuler. Certains suggèrent que les dysfonctions intestinales des enfants autistes perturbent le métabolisme des acides aminés jusqu’à modifier les métabolites urinaires dont certains taux diffèrent grandement de ceux des enfants sains.

Nous n’avons relaté ici que les résultats les plus convaincants.

Les relations entre le microbiote et l’autisme n’ont pas fini de stimuler la recherche et de faire parler d’elles...

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Médecine évolutionniste (ou darwinienne)

Depuis quelques années, le problème de l'antibiorésistance, les progrès de la génomique, la redécouverte du microbiote et la prise en charge de maladies au long cours, nécessitent l'introduction d'une pensée évolutionniste dans la réflexion clinique

Le premier diplôme universitaire intitulé "Biologie de l'évolution et médecine" a été mis en place à la faculté de Lyon. Voir ICI

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