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Pleurs excessifs du nourrisson

dernière mise à jour le 16/10/2014

I / Les mots et les faits

  • Colique : contraction brutale et douloureuse d’un viscère creux (intestin, uretère, vésicule biliaire, etc.).
  • Coliques du nourrisson : parfois appelées coliques du premier semestre. Elles débutent une à deux semaines après la naissance, et durent jusqu’à 4 mois, rarement jusqu’à 6 mois.
  • Pleurs excessifs : les pleurs sont la seule manifestation de ces coliques, mais certains médecins, considérant que les coliques ne sont peut-être pas la seule cause des pleurs, parlent de « pleurs excessifs » du nourrisson.
  • Très fréquent motif de consultation en soins primaires.
  • Le diagnostic de certitude peut se résumer ainsi :
    • Paroxysmes d’irritabilité, d’agitation ou de pleurs, qui commencent et s’arrêtent sans raison évidente.
    • Épisodes d’au moins trois heures par jour, se répétant au minimum trois jours par semaine, et d'une durée de trois semaines au moins.
    • Absence de retard staturo-pondéral, ce qui signifie que le poids, la taille et les autres mensurations progressent normalement.
    • Absence de diarrhées et de vomissements.

 

II/ Combattre les idées reçues

  • Les coliques ne sont ni plus ni moins fréquentes chez les enfants nourris au lait artificiel. L’allaitement maternel, conseillé pour de multiples autres raisons, n’empêche, hélas, pas les coliques du nourrisson.
  • Les parents ne sont pas responsables de ces coliques, comme on l’entend encore trop souvent dire ou suggérer. Cependant, le stress induit par ces pleurs peut créer un cercle vicieux en altérant les relations avec l’enfant. Le câlin est encore le meilleur remède, mais il n’empêche, pas la récidive… C’est trop injuste !
  • Ces coliques n’empêchent pas l’enfant de digérer, ni de grandir et de grossir normalement. Il n’y a jamais de retard staturo-pondéral. Sinon, c’est un autre diagnostic qu’il faut poser.

 

III/ Les idées-forces

  • La détresse des parents est aggravée par les informations contradictoires des praticiens, et par l’échec de toutes les tentatives pour améliorer les choses.
  • Les régimes proposés sont plus fantaisistes que réellement efficaces.
  • Les traitements médicamenteux sont tous inutiles, et parfois dangereux.
  • Le risque majeur est la maltraitance (involontaire) en secouant l’enfant. Le syndrome de l'enfant secoué est fréquent et grave. (Le médecin et les parents doivent être attentifs à ce risque qui est, en réalité, le seul véritable risque.)
  • Le plus difficile est d’arriver à faire patienter les parents, en leur donnant la conviction que tout disparaîtra entre 3 et 5 mois.
  • Le changement de lait ne sert à rien, malgré la vigueur des publicités !

 

IV/ L'espace d'éducation et de progrès

  • Les coliques du nourrisson restent encore un problème mystérieux pour les médecins. Peut-être est-ce une évolution de l’environnement de l’homme après le néolithique ?
  • Certaines pistes actuelles de recherche évoquent une hypersensibilité du système nerveux autonome (sympathique), une flore intestinale moins diversifiée que chez les autres enfants, une forme précoce de migraine du nourrisson. Mais ce ne seraient que des facteurs parmi beaucoup d’autres.
  • On a également constaté que ces enfants avaient un comportement alimentaire plus « brouillon », et une succion moins rythmée. Ils répondent moins aux interactions pendant le repas, et semblent avoir moins de confort après le repas et plus de gaz que les autres.
  • Il y a autant de solutions proposées aux parents que de médecins, d'infirmières, de puéricultrices, ou de sites internet consultés. On peut, ici, résumer les résultats des études les plus sérieuses sur les traitements et régimes proposés, en indiquant le niveau de preuve :
    • Diméticone, silice et siméticone : inefficaces.
    • Lactase : inefficace. (La carence congénitale en lactase est rarissime.)
    • Antispasmodiques : inefficaces et déconseillés.
    • Dicyclomine : inefficace et dangereux.
    • Hydrolysat de caséine : on peut essayer, et arrêter si ça ne marche pas.
    • Lait de soja : éviter, ou vite arrêter si ça ne marche pas. Risque aussi de déclencher une allergie !
    • Solutions sucrées : parfois un peu d’utilité (faible niveau de preuve).
    • Phytothérapie à base d’extrait de fenouil : parfois légèrement utile.
    • Probiotiques (lactobacillus reuteri) : théoriquement intéressants. Semblent légèrement actifs. Preuves encore insuffisantes.
    • Ostéopathie, acupuncture : preuves insuffisantes.
    • Thérapies comportementales (réduction des stimulations, réassurance des parents) : légèrement utiles.
    • Régime sans lait de vache pour la mère allaitante : utile dans les très rares cas d’allergie avérée aux protéines du lait de vache. On peut essayer.
    • Exclusion chez la mère des aliments suivants : soja, blé, œufs, arachides, noix et poisson ; parfois utile pour un petit nombre de nourrissons.


V/ Radio trottoir des erreurs quotidiennes

  • J’ai l’impression qu’il pleure pour me dire qu’il n’est pas content de moi. (Il n’est surtout pas content d’avoir mal au ventre. Vos câlins sont le meilleur remède connu à ce jour ; hélas ces câlins sont également peu efficaces, et les coliques dureront le temps qu’elles doivent durer.)
  • J’ai essayé tous les laits. (C’est inutile, le changement de lait n’y fait rien.)
  • Il a des coliques ; pourtant, je l’allaite. (C’est un excellent choix d’allaiter votre enfant ; hélas, cela ne change rien à la fréquence des coliques.)
  • On me dit que le lait de soja va tout arranger. (La mode du lait de soja est tenace, mais aujourd’hui, le conseil des sociétés savantes est de l’éviter. Ce n’est pas grave d’essayer, mais il ne faut pas insister si ça ne marche pas.)
  • Nous sommes épuisés, nous ne dormons plus ; il va nous rendre fous. (C’est le seul véritable risque ; il faut vous faire accompagner ou aider, car, un jour de surmenage ou d’épuisement, vous risquez de secouer votre bébé. Pensez surtout au jour où tout va cesser, car cela cesse toujours. Cette certitude doit vous aider.)
  • C’est une injustice. Qu’a-t-on fait pour mériter ça ? (Oui, c’est une forme d’injustice, comme beaucoup d’autres. Reconnaissez, cependant, que c’est une injustice bien mineure. Et sachez que vous n’y êtes pour rien.)

 

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