Luc Perino ▪ La Découverte, mars 2020

L'Histoire célèbre les victoires que les médecins ont remportées sur les maladies. Mais elle néglige les patients dont les troubles, les souffrances ou les plaintes ont inauguré de nouveaux diagnostics, remis en cause certaines théories médicales, ouvert des perspectives thérapeutiques inédites. Ciselés comme des nouvelles, ces récits véridiques et rocambolesques de patients zéro racontent une autre histoire de la médecine dans laquelle des malades qui parfois s'ignorent et des patients comptés trop souvent pour zéro prennent la place des mandarins et des héros.
Parmi ces « cas », certains sont célèbres, comme le petit Joseph Meister, qui permit au vaccin antirabique de Pasteur de franchir le cap de l’expérimentation humaine, ou Phineas Gage, dont le crâne perforé par une barre à mine révéla les fonctions du lobe frontal. La plupart sont oubliés comme celle d'Auguste Deter, de Mary Mallon ou d'Henrietta Pleasant.
Des origines foraines de l’anesthésie générale aux recherches génétiques ou neurobiologiques les plus actuelles en passant par les premières tentatives de réassignation sexuelle, ce livre tente de rendre justice aux miraculés, aux cobayes ou aux martyrs dont la contribution au progrès de la connaissance et du soin a été aussi importante que celle de leurs médecins, illustres ou non.
L'auteur a profité de chacune de ces histoires faciles à lire pour prolonger son travail de vulgarisation et susciter la réflexion sur l'épistémologie du diagnostic et du soin. Il a laissé libre cours à ses « humeurs médicales » en pointant les dérives de la médecine qui ont existé de tous temps et dont l’Histoire n’a toujours pas réussi à nous protéger.
“ Hôpital ”. Ce lieu public est vécu comme une personne morale omnisciente. Le patronyme des médecins, internes ou infirmiers y exerçant n’est jamais mentionné, mais seulement le "on" anonyme. Ce "on", qui a été un instant le complice et le soutien moral, est évoqué avec respect. "On" m'a passé des radios. "On" m'a dit qu'il fallait l'avis d'un spécialiste. "On" m'a demandé si j'avais des antécédents. "On" m'a parlé d'un scanner. Bien sûr, nul ne saura jamais qui était ce “ on ”, quel était son grade, interne ou aide-soignante, son autorité, son savoir, ni ce qu'il a réellement dit, évoqué ou pensé tout haut. Peu importe ce "on" résidait à l'hôpital, ce "on" était l'hôpital lui-même.
Christiane ne sera désormais plus tout à fait la même, car elle a côtoyé ce “ on ” là.
― Luc Perino