Lise Barneoud ▪ Premier Parallèle 2017

Dans le domaine médical, réussir un livre de vulgarisation est difficile. En voilà un qui, dans le domaine sensible de la vaccination, est un modèle du genre.
L’information est neutre et rigoureuse, elle est replacée dans l’Histoire, et l’auteure, qui se positionne à la fois en profane et en investigatrice, décrit la réalité des controverses en évitant à la fois le dogmatisme et l’affect, défauts bien connus des défenseurs et des opposants à la vaccination.
En réalité, ce livre ne parle pas de vaccination, c’est son plus grand mérite, il décortique les vaccins un à un, le rapport bénéfice-risque de chacun, en précisant que ce rapport se modifie avec le temps. Chaque maladie visée, chaque vaccin et chaque campagne de vaccination correspondante fait l’objet d’une observation lucide et documentée. L’histoire de la polio et de ses deux vaccins est un exemple de narration et de pédagogie.
Elle ose braver le politiquement correct en précisant qu’une maladie qui tue un nourrisson est une inégalité, alors qu’une maladie qui touche un vieillard est une fatalité (en résumé !). Elle aborde discrètement le problème des mutants dans le cas des vaccins ne visant que certaines souches d’un pathogène.
Elle présente avec précision, et sans diabolisation, l’intrusion du marché pharmaceutique dans le secteur « sacré » de la vaccination au cours des années 1980. Facteur probable de la défiance accrue de nombreux citoyens.
Elle dénonce sans colère ceux qui continuent à globaliser le récit de la vaccination sans voir que les vaccins ne sont une solution globale que pour très peu de maladies infectieuses. Pour preuve, le livre se termine par un passage en revue de 16 maladies et de leurs 16 vaccins, avec des informations utiles non seulement aux profanes patients, mais aussi aux confrères sachants.
Exhaustif, facile et serein, ce livre est à recommander à tous.
Il apparaît que définir la physiologie comme la science des lois ou des constantes de la vie normale ne serait pas rigoureusement exact, pour deux raisons. D'abord parce que le concept de normal n'est pas un concept d'existence, susceptible en soi de mesure objective. Ensuite, parce que le pathologique doit être compris comme une espèce du normal, l'anormal n'étant pas ce qui n'est pas normal, mais ce qui est un autre normal. Cela ne veut pas dire que la physiologie n'est pas une science. Elle l'est authentiquement par sa recherche de constantes et d'invariants, par ses procédés métriques, par sa démarche analytique générale. Mais s'il est aisé de définir par sa méthode comment la physiologie est une science, il est moins aisé de définir par son objet de quoi elle est la science. La dirons-nous science des conditions de la santé ? Ce serait déjà, à notre avis, préférable à science des fonctions normales de la vie, puisque nous avons cru devoir distinguer l'état normal et la santé. Mais une difficulté subsiste. Quand on pense à l'objet d'une science, on pense à un objet stable, identique à soi. La matière et le mouvement, régis par l'inertie, donnent à cet égard toute garantie. Mais la vie ? N'est-elle pas évolution, variation de formes, invention de comportements ? Sa structure n'est-elle pas historique autant qu'histologique ? La physiologie pencherait alors vers l'histoire qui n'est pas, quoi qu'on fasse, science de la nature. Il est vrai qu'on peut n'être pas moins frappé du caractère de stabilité de la vie. Tout dépend en somme, pour définir la physiologie, de l'idée qu'on se fait de la santé.
― Georges Canguilhem