Anthony Berthou ▪ Actes Sud, février 2023
Les ouvrages sur la nutrition abondent, et pèchent trop souvent par leur idéologie ou leurs approximations. En voici un qui peut convenir à tous les lecteurs des plus savants aux plus profanes. D’une lecture agréable et facile, il contient aussi bien des explications physiologiques et physiopathologiques détaillées que des encarts simples et pratiques. La bibliographie est sérieuse et abondante et les idées reçues sont corrigées avec calme et sérénité.
Les biologistes de l’évolution réapprendront avec plaisir comment l’alimentation et les nutriments ont varié depuis le paléolithique, en fonction des latitudes et des saisons. Les médecins apprendront ce qu’est le triptyque IDH et les maladies de la désadaptation, ils découvriront que la mélatonine et la vitamine D sont le yin et le yang de notre chronobiologie. Ils sauront enfin vraiment ce que sont la charge glycémique, l’index glycémique et l’index insulinique. Ils apprendront que la zonuline peut servir de marqueur de la sensibilité au gluten. Les pharmacologues seront surpris d’apprendre que le microbiote est le principal paramètre de la pharmacodynamie, et la plupart d’entre eux feront la connaissance des peptides opioïdes. Les nutritionnistes apprendront à modérer leurs excès et à regarder le foie sous un jour nouveau. Les cuisiniers sauront comment diminuer le taux d’arsenic dans le riz, comment tirer le meilleur des différents revêtements des ustensiles de cuisine ou encore comment limiter la formation des corps de Maillard.
La plupart des lecteurs apprendront à différencier les informations guidées par l’industrie agro-alimentaire de celles issues simplement de l’observation, du bon sens et de la science. Ils découvriront que le vin rouge n’apporte pas autant de resveratrol que le disent les vignerons, que les édulcorants de synthèse n’ont aucun bénéfice, que les omégas 3 industriels sont dégradés ou encore que le saumon bio contient plus de PCB que les autres. Les végétariens pourront dormir tranquilles à la seule condition de surveiller leur vitamine B12.
Cet ouvrage décidément très complet aborde avec courage les problèmes environnementaux liés à l’agriculture et à l’élevage intensif. Il fait un point sur les pesticides sans catastrophisme ni angélisme. Et il aborde avec modestie le problème du gaspillage alimentaire. Sans aucune prétention philosophique il fait subrepticement comprendre les liens entre bonne nutrition, responsabilité écologique et mode de vie.
Subreptice est peut-être l’une des meilleures épithètes pour qualifier ce livre, avec d’autres comme dense, exhaustif, modeste et courageux.
Depuis quelques années, le problème de l'antibiorésistance, les progrès de la génomique, la redécouverte du microbiote et la prise en charge de maladies au long cours, nécessitent l'introduction d'une pensée évolutionniste dans la réflexion clinique.
Le premier diplôme universitaire intitulé "Biologie de l'évolution et médecine" a été mis en place à la faculté de Lyon en 2016.
L'omniprésence de la futurologie médicale brouille les limites entre le solide et le fantaisiste, l'anticipation et l'espoir, la prédiction et la manipulation. Il est devenu nécessaire aujourd'hui de s'interroger à nouveau sur la prédiction.
― Maël Lemoine
Tant que les hommes pourront mourir et qu’ils aimeront vivre, le médecin sera raillé et bien payé.
― La Bruyère