Les très bons livres consacrés à la médecine générale se comptent sur les doigts d’une main, celui de Luc Perino en fait assurément partie et il est absolument excellent. Prenez le temps de le lire, c’est un véritable régal.
Les très bons livres consacrés à la médecine générale se comptent sur les doigts d’une main, celui de Luc Perino en fait assurément partie et il est absolument excellent. Prenez le temps de le lire, c’est un véritable régal.
- Le lendemain de Tchernobyl la langue de bois soviétique était venue craquer au niveau des coronaires d'Auguste Sadussi qui avait fait partie de l'espèce rare des militaires communistes, de ces hommes bourrus, enjoués, fanfarons.
"Vraiment, docteur, si j'ai quelque chose de grave, il faut me le dire et ensuite m'abattre comme un sanglier."
Quelques pages plus loin on assistera au plus extraordinaire déni d'un diagnostic des plus explicites et l'on retrouve un patient austère, docile et farouche qui réclame implicitement la vieille langue de bois qui était de règle dans la profession voici trente ans.
"Sa carrière avait débuté chez les militaires où il dialoguait avec la Grande Muette, puis il avait opté pour un communisme militant à l'époque où la langue soviétique était au paroxysme de sa lignification et il avait fini en tant que patient, par imposer cette langue à ses soignants. Une espèce de langue maternelle"
Et puis Christiane et sa petite entorse du pouce. Oui mais voilà, ce fut un accident du travail.
"Nous sommes un mardi soir, elle travaille samedi, j'ai envie d'être généreux, j'arrondis à quatre jours pour lui laisser terminer sa semaine en paix…"
mais le samedi matin à la première heure, Christiane est là avec des radios sous le bras
"Docteur, hier j'avais trop mal , je suis allée à l'hôpital, aux urgences, pour passer une radio."
Les trois mots sont lâchés: hôpital, urgence, radio. Ces mots gomment toute nuances, ils éradiquent toute discussion,, ils laminent les étonnements, ils font abdiquer la logique.
Être allé aux urgences à l'hôpital est une consécration du mal, interdisant tout mépris à son égard.
Or donc, Christiane, caissière dans un supermarché encadrée par les caprices d'un petit chef, a encore mal et ne pourra donc pas retourner travailler lundi.
Dans ce genre de situation, j'ai tout essayé, toutes les solutions sont mauvaises.
Alors, après avoir calculé grossièrement la fortune volée à la collectivité par les dirigeants d'Universal, du Crédit Lyonnais, d'Enron, de Tyco… chiffrés à quarante mille ans d'équivalent de congés maladie,
"Je lui propose un an de prolongation d'arrêt de maladie, en lui précisant que nous pourrons prolonger sans problème pendant quarante mille ans si son pouce lui fait encore mal."
Au travers de vingt deux histoires savoureuses que chacun d'entre nous pourrait illustrer d'exemples personnels, l’auteur aborde avec humour et recul toutes ces questions qui constituent les lames de fond de notre quotidien de généraliste. C'est très bien écrit, et les remerciements sont plaisants à lire :
(A mes amis d’avoir fait)
"l'impossible pour me persuader que j'étais un écrivain"
ainsi que tous les patients de ces histoires
"qui continuent à faire de leur mieux pour me convaincre que je suis un médecin."
Luc Perino a 57 ans. Diplômé de médecine tropicale, il exerce six ans au Gabon puis plus tard deux années en Chine. En France il exerce en milieu rural, se passionne pour la FMC, l’informatique (développement d'un logiciel de dépistage des interactions médicamenteuses) la paléontologie, et bien sûr l’écriture (1). Toujours en mouvement, il est toujours un peu plus loin que là où vous l’attendez, tantôt responsable de la diffusion internationale d'un antidiabétique pour le compte d'un laboratoire pharmaceutique, actuellement co-directeur d’un centre de FMC.