La France est en quarantaine. Il y aura toujours des esprits chagrins pour dire que les pouvoirs publics ont tardé à prendre les mesures qui s'imposaient. Le médecin épidémiologiste Luc Perino n'est pas de ceux-là.
La France est en quarantaine. Il y aura toujours des esprits chagrins pour dire que les pouvoirs publics ont tardé à prendre les mesures qui s'imposaient. Le médecin épidémiologiste Luc Perino n'est pas de ceux-là.
LR - Les pouvoirs publics ont-ils tardé ?
LP - La gestion de la pandémie de coronavirus est cohérente. Aucun pays n'a réagi avant qu'un premier cas se soit déclaré sur son territoire. Quant à bloquer tous les ressortissants de pays où le virus s'est propagé, c'est impossible dans un monde où la circulation des personnes s'est à ce point accélérée. La France, comme d'autres pays, a donc attendu que la menace se précise pour en évaluer l'intensité et prendre des mesures draconiennes appelées à durer.
LR - Cette pandémie surprend par son intensité
LP - Le Covid-19 pose un double problème puisque sa contagiosité très élevée s'accompagne d'une virulence assez élevée. En général, dans le monde viral, les deux ne vont pas de pair. Car moins un virus est virulent, plus il passe inaperçu. Qui va se mobiliser pour lutter contre une maladie inoffensive ? C'est sous les formes les plus bénignes que les virus peuvent se propager jusqu'à faire, pourquoi pas, le tour du monde.
LR - L'attitude première des autorités britanniques trouve là son explication ?
Miser sur la sélection naturelle à moyen ou long terme, l'idée est séduisante. Mais le nombre croissant de décès dans le monde oblige à des mesures plus radicales. Le confinement agira comme un accélérateur de sélection naturelle : seules se répandront les formes les moins virulentes du Covid-19. Le port du masque, l'isolement, l'hospitalisation devraient stopper jusqu'à leur disparition les formes les plus virulentes.
LR - Comment expliquer une telle contagiosité ?
LP - Les virus n'ont pas de vie autonome, au contraire des bactéries. Ils se reproduisent par duplication en piochant dans le matériel génétique de la cellule hôte. Contrairement encore aux bactéries, les virus se transmettent fréquemment et facilement par voie aérienne. Mais les virus ont tous leurs particularités. La prolifération du covid-19 est ainsi deux fois plus rapide que celle de la grippe. Car, on le sait désormais, le covid-19 survit quelques heures sur des surfaces rugueuses. On sait aussi qu'il en subsiste 30 % dans les matières fécales, ce qui est préoccupant dans les pays où les équipements sanitaires sont absents ou défaillants. Enfin, il se transmet aussi par la peau comme la plupart des virus à transmission respiratoire.
LP - Le SRAS n'était pas aussi contagieux
LP - Certes, mais le SRAS1, apparu en 2004, avait une létalité de 10 %. Quatre ou cinq pays ont été réellement touchés. Le SRAS2, rebaptisé Covid-19, a une létalité inférieure à 2, 5 %, mais sa contagiosité supérieure augure, à l'échelle du monde, un nombre de morts probablement supérieur. Car il s'agit d'une pandémie, plus d'une épidémie.
LR - Où en est-on des tests d'antiviraux ?
LP - On confond souvent bactéries et virus. Les antibiotiques sont encore assez efficaces pour juguler les premières. Tuer les seconds suppose d'intervenir dans les cellules qu'ils parasitent. D'où des effets secondaires souvent lourds. Pour l'heure, le recours aux antiviraux, comme ceux de la trithérapie issue des milliards et des années de recherche investis dans la lutte contre le Sida, est, contre le Covid-19, un échec absolu. Pire, la mortalité de ceux qui ont été traités est supérieure à celle des autres patients.
LR - L'espoir d'un vaccin ?
LP - Les virus mutent plus vite que les bactéries et les virus d'origine animale, plus rapidement encore comme on le voit avec la grippe. Or, la conception d'un vaccin demande au moins deux ans pour une efficacité parfois aléatoire.
LR - La Chine semble être le berceau de ces nouvelles épidémies ?
Le patient zéro est, en effet, originaire de Wuhan. C'est là que le coronavirus a été identifié pour la première fois. Ce pays présente deux caractéristiques propices à l'émergence et la propagation de tels virus. La première est démographique : l'urbanisation d'un pays qui comptait déjà un milliard d'habitants s'est faite plus vite que partout ailleurs. La seconde est culturelle. Plus citadine, la Chine n'a pas rompu avec son passé paysan. Le commerce de viande vivante se perpétue dans les villes. Et la pharmacopée traditionnelle avec des produits ailleurs impropres interroge également.