L’auteur ne cherche pas les effets de style, mais, de son écriture fluide, se concentre sur son propos. On suit ainsi des récits qui commencent comme des thrillers médicaux, miraculeux ou drôles parfois, mais plus souvent tragiques sinon cruels, et se concluent avec explications et remises en perspective. C’est ce qui fait leur force.
Ce livre est l'hommage d ’un médecin, non à ses pairs, mais aux patients d’hier: «Aux rares patients dont l ’histoire singulière ou l’identité ont survécu aux années et dont la contribution au progrès du soin a été aussi importante que celle de leurs médecins, illustres ou non, écrit en introduction Luc Perino. Leurs troubles, leurs souffrances ou leurs maux réels ou imaginaires ont inauguré de nouveaux diagnostics et de nouveaux traitements, remis en cause certaines théories médicales, ouvert de nouvelles perspectives thérapeutiques, corrigé les errements des praticiens ou questionné leurs certitudes.» La médecine reposa en effet longtemps sur la théorie plutôt que sur l ’homme, la pratique était affaire vulgaire. Il s’agissait de penser le corps plus que de le panser, et la philosophie avait plus de poids pour échafauder de complexes systèmes expliquant humeurs et maladies que les malades eux-mêmes - aléas parfois gênants puisque rarement traités avec succès...
Luc Perino entend rappeler les contributions parfois décisives et involontaires de ces hordes d'anonymes par une sélection riche et variée de dix-neuf exemples, ces «rares patients à l'histoire singulière». Certains sont vaguement connus, comme le petit Joseph Meister qui, mordu par un chien enragé, fut vacciné par Louis Pasteur et survécut; ou Mary «Typhoïde» Mallon, porteuse saine de cette terrible maladie infectieuse qui fut enfermée sans autre forme de procès pour protéger ses contemporains, D’autres croisent, fantomatiques, le parcours de la science, telle Henrietta Lacks dont les cellules can céreuses dites «éternelles», prélevées sur elle sans son consentement, vont être utilisées par des générations de laborantins sous le nom de lignée HeLa. Ou l ’aphasique Louis Victor Leborgne, dit Tan, qui permit au chirurgien Paul Broca d’identifier l’aire cérébrale dédiée au langage qui porte son nom...
Luc Perino les appelle «patients zéro», premiers cas d’une épidémie selon la terminologie médicale classique, mais qui désignent ici ceux qui, dans un domaine donné, allait permettre des avancées décisives.
THRILLER MÉDICAL
L’auteur ne cherche pas les effets de style, mais, de son écriture fluide, se concentre sur son propos. On suit ainsi des récits qui commencent comme des thrillers médicaux, miraculeux ou drôles parfois, mais plus souvent tragiques sinon cruels, et se concluent avec explications et remises en perspective. C’est ce qui fait leur force: loin de constituer une simple liste, ils couvrent ensemble de nombreuses disciplines (neurologie, épidémiologie, génétique. ..) et techniques (anesthésie, etc.) aujourd’hui incontournables; ils restituent des ambiances, des réflexions sur la pratique médicale, mettent en lumière des injustices. Certaines ont été reconnues historiquement, d’autres sont portées par Luc Perino quand il aborde la question de la marchandisation du domaine de la santé et certaines dérives actuelles, y compris dans cë qui touche aux diagnostics et aux traitements. Qu’on partage ou non ses critiques, on ne peut nier l ’importance que devraient avoir l ’éthique et le respect humain dans ces sphères si intimes. Le poids de l ’histoire et des patients zéro convoqués dans ces lignes devrait inciter la médecine à plus d’humilité.