Le Bobologue
Conçu comme un document, l'ouvrage se présente comme un concentré d'anecdotes, une succession de mini nouvelles.
Facile à lire, facile à reposer et à reprendre, le livre montre l'exercice de la médecine par le petit bout de la lorgnette, sans fard, mais sans excès.
Chaque cas a valeur d'exemple.
Après avoir exercé en Afrique, en Chine et dans la France rurale, Luc Perino, 54 ans, codirecteur depuis 1997 d'un centre de formation médicale continue à Lyon, en a vu défiler des patients, des malades imaginaires, des vrais hystériques et de faux névrosés.
Cette expérience, toute cette population qu'il a auscultée, rassurée, convaincue ou non du bien-fondé de ses visites, tous ces cas... Il les raconte dans cet ouvrage...
La pratique médicale est à la mode en littérature après le succès de la Maladie de Sachs de Martin Winckler, Luc Perino propose une autre vision du quotidien d'un médecin généraliste plus voyageur. Conçu comme un document, l'ouvrage se présente comme un concentré d'anecdotes, une succession de mini nouvelles, une pour chaque patient rencontré.
L'auteur demande pardon aux 80% de patients "ordinaires" qui ont fait son "activité bobologique" et assuré "ses revenus", il ne les a pas choisis pour son livre. Il a mis l'accent sur les autres, et ils sont nombreux, parce que "la narration médicale n'a pas vocation de décrire des consultations ennuyeuses, mais bien de peindre l'éclat sporadique de certains cas".
Facile à lire, facile à reposer et à reprendre plus tard aussi, le livre montre l'exercice de la médecine par le petit bout de la lorgnette, sans fard, mais sans excès.
Luc Perino, qui a ausculté tant d'hommes, de femmes, d'enfants et de vieillards, examine aujourd'hui sa pratique, nous la livre toute crue et tire ses conclusions. Certains lecteurs diront qu'il exagère, ils auront tort. Car chaque cas a valeur d'exemple. Médicaments marketing, pilules magiques qui remplacent trop facilement l'exercice physique et des hygiènes de vie à l'abandon, liberté de choix des patients, héritages familiaux, progrès de l'imagerie médicale, idées reçues... À travers ses contes de visites extraordinaires, le médecin donne son avis et des conseils que ne renieraient ni la Sécu ni les professionnels de santé publique. Ainsi, à propos des relations internationales et pour une histoire de vaccins, "il m'a paru très urgent d'apprendre aux Américains que la terre est ronde et qu'entre l'Amérique et l'Amérique, il y a d'autres pays peuplés d'une espèce interféconde avec la leur".
Il faut resituer la période et le lieu. La scène précédente se passe en Chine à un moment où le SIDA fait la une des journaux, le professeur Montagnier venant d'identifier le virus.
Luc Perino parle aussi des maux émergents comme l'obésité ou des comportements résistants comme la tabagie : "pour une bonne éducation sanitaire, il faudrait répéter incessamment que l'obésité se fabrique avant douze ans" et "beaucoup de fumeurs n'ayant pas de cancer ont pris l'habitude franchouillarde de glorifier les fumeurs téméraires (...) c'est oublier tous les paralysés par leurs artères sylviennes bouchées, tous les amputés par leurs artères fémorales bouchées, tous les impuissants par leurs artères honteuses bouchées, les séniles par leurs carotides bouchées, les essouflés par leurs coronaires bouchées. Diminuer, ne serait-ce que de 20%, la consommation de tabac ferait cent fois mieux pour la santé publique que les milliers de tonnes d'hypocholestérolémiants inutiles consommés et remboursés chaque année". Médicament quand tu nous tiens...
Dorénavant, ce généraliste devenu formateur, voit de moins en moins de patients, mais il remplace toujours quelques-uns de ses amis dans l'agglomération lyonnaise. Rien n'a vraiment changé. Et il est toujours surpris "de constater que lors de ma question : 'qu'avez-vous ?', plus de la moitié des patients me répondent en sortant leur ordonnance pour me montrer ce qu'ils prennent. Il faut se rendre à l'évidence, le traitement est aujourd'hui plus important que le diagnostic. Résultat logique d'une formation médicale continue assurée par les seuls laboratoires pharmaceutiques". Leçon à méditer par les professionnels comme par les patients.