dernière mise à jour le 12/02/2021
Tous les cancers sont causés par des mutations somatiques; cependant, la compréhension des processus biologiques générant ces mutations est limitée. Le catalogue des mutations somatiques à partir d'un génome de cancer porte les signatures des processus mutagènes qui ont été opérationnels.
Ici, nous avons analysé 4938362 mutations de 7042 cancers et extrait plus de 20 signatures distinctes. Certaines sont présentes dans de nombreux types de cancer, notamment une signature attribué à la famille APOBEC des cytidine-déaminases, tandis que d'autres se limitent à une seule classe de cancer.
Certaines signatures sont associées à l'âge du patient au moment du diagnostic, d’autres à des expositions mutagènes connues, d’autres à des anomalies dans la machinerie de maintenance de l'ADN, mais beaucoup sont d’origine énigmatique.
En plus de ces signatures de mutations sur le génome entier, on trouve dans de nombreux types de cancers le phénomène nommé «kataegis», correspondant à de petites régions génomiques localisées « d’hypermutation ».
Ces résultats mettent en évidence la diversité des procédés de mutations sous-jacentes au développement des cancers.
Méthode
Les mutations somatiques trouvées dans les génomes de cancer peuvent être la conséquence d’erreurs intrinsèques de la machinerie de réplication de l'ADN, d’expositions mutagènes, de modifications enzymatiques de l’ADN ou d’anomalies des mécanismes de réparation. Dans certains types de cancer, une importante proportion de mutations somatiques sont connues pour être produites par des expositions aux cancérogènes, comme la fumée de tabac dans les cancers du poumon ou la lumière ultraviolette dans cancers de la peau. Des anomalies de la maintenance de l'ADN tel qu’un mésappariement lors de la réparation de l’ADN sont constatées dans certains cancers colorectaux. Cependant, notre compréhension des processus de mutation somatique dans la plupart des classes de cancer est remarquablement limitée.
Différents processus mutationnels génèrent souvent des combinaisons de mutations-types appelées «signatures». Jusqu'à récemment, les signatures de cancers humains ont été explorées sur un petit nombre de gènes de cancer fréquemment mutés comme le TP53. Bien qu’informatives, ces études ont des limites. Pour générer une signature, une mutation unique de chaque échantillon de cancer est entrée dans un ensemble de mutations provenant de plusieurs cas de cancer particulier. Une signature qui contribue à la grande majorité des mutations somatiques dans un type de tumeurs est rapportée de façon précise. Cependant, si plusieurs processus mutagènes sont actifs, il en résulte une signature composite et brouillée.
En outre, parce que ces études sont basées sur des mutations conductrices (driver mutations), les signatures de sélection sont superposées aux signatures de processus mutationnels.
Les progrès récents dans la technologie de séquençage ont permis de surmonter les obstacles d’échelle. Des milliers de mutations somatiques peuvent maintenant être identifiés dans un échantillon de cancer unique, offrant alors la possibilité de déchiffrer des signatures, même lorsque plusieurs processus de mutation coexistent. En outre, parce que la plupart des mutations dans le génome du cancer sont passagères et ne portent pas encore les stigmates de la sélection.
Nous avons récemment développé un algorithme pour extraire des signatures de mutation à partir de catalogues de mutations somatiques et l'avons appliqué à 21 génomes complets de cancer du sein. Des signatures connues et inconnues ont été révélées, avec la contribution de chacune à chaque échantillon de cancer ainsi que l’estimation du moment de son activité. D'autres études ont démontré que la méthode peut également être appliquée, mais avec moins d’efficacité, pour des catalogues de mutation de tous les exons.
Les méthodes de séquençage global permettent désormais des catalogues de mutations somatiques de milliers de cancers. Nous avons donc appliqué cette méthode d'étude du répertoire des signatures mutationnelles et des processus à l’œuvre dans les cancers humains.
Catalogues de mutations
Nous avons compilé 4938362 substitutions somatiques et petites insertions/délétions (indels) à partir des catalogues de mutation de 7042 cancers primitifs de 30 classes différentes (507 à partir de tout le génome et 6535 à partir de séquences d’exome). Dans tous les cas, l'ADN normal des sujets avait été séquencé pour établir l’origine somatique des variants.
La prévalence des mutations somatiques était très variable à l’intérieur et entre les classes de cancer, allant d'environ 0,001 par mégabase (Mb) à plus de 400 par Mb. Certains cancers de l'enfant portaient le moins de mutations alors que les cancers liés à des expositions mutagènes chroniques (poumon, mélanome) présentaient la plus forte prévalence. Cette
variation dans la prévalence des mutations est attribuable aux différences de durée de vie de la lignée cellulaire entre l'œuf fécondé et la cellule cancéreuse séquencée et/ou à des différences de taux de mutations somatiques au cours de l’ensemble ou de parties de cette lignée.
Paysage des signatures mutationnelles
En principe, toutes les classes de mutation (substitutions, indels, réarrangements) et toutes les caractéristiques accessoires de mutation comme la séquence contextuelle ou le brin de transcription sur lequel elle se produit, peuvent être incorporé dans l'ensemble de caractéristiques qui définissent une signature. En premier lieu, nous avons extrait des signatures mutationnelles en utilisant les substitutions de base et les informations incluses dans la séquence contextuelle abritant chaque mutation. Comme six classes de substitutions possibles : C>A, C>G, C>T, T>A, T>C, T>G (les
substitutions se réfèrent à la base pyrimidine de la paire), et comme nous avons intégré des informations des bases de 5’ et 3’ pour chaque base mutée, il y a 96 mutations possibles dans cette classification. Cette classification est particulièrement utile pour distinguer les signatures mutationnelles qui causent les mêmes substitutions, mais dans des contextes différents de séquence.
L'application de cette approche aux 30 types de cancer a révélé et validé 21 signatures distinctes de mutation qui montrent une diversité importante. Il existe des signatures, caractérisées par la proéminence de seulement une ou deux des 96 mutations possibles, indiquant une remarquable spécificité de type et de contexte de séquence (signature 10). Inversement, d'autres présentent un nombre plus ou moins égal de chacune des 96 mutations (signature 3). D’autres sont caractérisées essentiellement par C>T (les signatures 1A/B, 6, 7, 11, 15, 19), C>A (les 4, 8, 18), T>C (5, 12, 16, 21) et T>G (9, 17), et d'autres montrent des combinaisons distinctes (2, 13, 14).
Signatures 1A et 1B ont été observées dans 25 des 30 classes de cancer. Les deux se caractérisent par la prédominance de substitutions CT aux trinucléotides NpCpG. Parce qu'elles sont presque mutuellement exclusives dans les divers types de tumeurs, elles représentent probablement le même processus sous-jacent, avec la signature 1B représentant une séparation moins efficace que les autres dans certains types de cancer. Les signatures 1A/B sont probablement liées à un taux relativement élevée de désamination spontanée de la 5-méthyl-cytosine qui se traduit par des transitions CT et qui se produisent principalement aux trinucléotides NpCpG. Ce processus mutationnel opère dans la lignée germinale, où il est traduit par de substantielles délétions de séquences NpCpG, et dans des cellules somatiques normales.
La signature 2 se caractérise principalement par des mutations C.T et C.G aux trinucléotides TpCpN et a été trouvé dans 16 des 30 types de cancer. Sur la base de similarités dans le type de mutation et la séquence, nous avions d’abord suggéré que la signature 2 est due à une suractivité des cytidine-désaminases de la famille APOBEC, qui changent la cytidine en uracile, couplée aux activités d’excision, réparation et réplication de l’ADN.
Dans la plupart des cancers, au moins deux signatures mutationnelles ont été observées, avec un maximum de six dans les cancers du foie, de l'utérus et de l’estomac. Bien que ces différences puissent être en partie attribuables à des difficultés d’identification des signatures, il est probable que certains cancers ont un répertoire plus complexe de processus mutationnels que d’autres.
La plupart des génomes de cancers individuels présentent plus d'une signature et de nombreuses combinaisons différentes de signatures ont été observées. Le mode de contribution de ces signatures à chaque cancer individuel varie considérablement. La signature 1A/B contribue à des nombres assez similaires de mutations dans la plupart des cancers, tandis que d'autres signatures contribuent à des nombre très élevés dans certains échantillons, mais très peu dans d'autres échantillons du même type, par exemple, les signatures 2, 3, 4, 6, 7, 9, 10, 11, 13.
Signatures mutationnelles et âge au moment du diagnostic du cancer
Pour chaque type de cancer, nous avons établi des corrélations entre l'âge au diagnostic et le nombre de mutations de chaque signature dans chaque échantillon. La signature 1A/B présentait de fortes corrélations positives avec l'âge dans la plupart des types de cancer de l’enfant et de l’adulte. Aucune autre signature n’a montré de corrélation constante avec l'âge.
Les mutations dans le génome du cancer peuvent être acquises à n’importe quel stade de la lignée cellulaire depuis l'ovule fécondé jusqu’à la cellule cancéreuse.
La corrélation avec l'âge du diagnostic est compatible avec l'hypothèse qu'une proportion importante de mutations 1A/B dans les génomes a été acquise progressivement au cours de la durée de vie du patient atteint de cancer, à un taux relativement constant, probablement sur des tissus somatiques normaux. L'absence de corrélation cohérente des autres signatures avec l'âge suggère que les mutations associées ont été générés à des rythmes différents selon les personnes, peut-être en fonction de l’exposition à des cancérogène ou après d’autres processus néoplasiques initiaux.
Signatures de mutation avec biais de transcription de brin
L'efficacité des processus de dommages et de maintenance de l'ADN peut différer entre les brins de gènes transcrits ou non. La cause la plus connue est l’excision/réparation de nucléotide (NER : Nucleotide Excision Repair) couplée à la transcription qui opère principalement sur le brin transcrit et qui est recrutée par l'ARN polymérase II quand elle rencontre de volumineuses lésions de l’ADN avec déformation de l’hélice.
Nous avons ré-extrait les signatures de substitution en incorporant le brin de transcription sur lequel chaque mutation a eu lieu. Comme une mutation dans une région génomique peut être soit sur le brin transcrit, soit sur le brin non transcrit, ceci conduit à 192 sous-classes de mutations.
Plusieurs signatures ont montré des différences importantes de prévalence de mutation entre les brins transcrits et non transcrits (connu sous le nom de « biais de la transcription des brins »). Par exemple, la signature 4 montre un tel biais pour la mutation CA. La signature 4 est observée dans les adénocarcinomes et les carcinomes à petites cellules du poumon, les cancers épidermoïdes de la tête et du cou et les cancers du foie, dont la plupart sont connus pour être provoqués par la consommation de tabac.
Par conséquent, la signature 4 est probablement l’empreinte de volumineux adduits d’ADN générés par les hydrocarbures polycycliques présents dans la fumée du tabac et de leur enlèvement par une NER couplée à la transcription. La prévalence plus élevée de mutations C>A sur les brins transcrits par rapport aux brins non transcrites est compatible avec la propension de nombreux carcinogènes du tabac à former des adduits avec la guanine.
De même, la signature 7, principalement trouvée dans le mélanome malin, montre une plus forte prévalence de mutations C>T sur le brin non transcrit, compatible avec la formation, par exposition aux ultraviolet, de dimères de pyrimidine et d'autres lésions connues pour être réparées par une NER couplée à la transcription.
Au-delà de ces exemples connus de dommages à l'ADN traités par NER, d'autres signatures montrent de forts biais de transcription de brin (5, 8, 10, 12, 16). Notamment, la signature 16, caractérisée par des mutations T>C sur les trinucléotides ApTpA, ApTpG et ApTpT, et observée dans les carcinomes hépatocellulaires, montre le plus fort biais de transcription de brin de toute les signatures, avec des mutations T>C qui se produisent presque exclusivement sur le brin transcrit.
De même, la signature 12, caractérisée par des mutations T>C sur le trinucléotide NpTpN, trouvée aussi dans les carcinomes hépatocellulaires, montre un fort biais de transcription de brin avec plus de mutations T>C sur le brin non transcrit. Dans l'hypothèse où les biais de transcription de brins dans les signatures 12 et 16 sont introduits par une NER couplée, ces signatures actuellement inexpliquées peuvent résulter de volumineux adduits sur l’adénine avec déformation de l’hélice. Cependant, il n'y a pas de base solide pour invoquer une NER couplée dans la genèse de ces signatures et d'autres causes de biais de transcription peuvent exister.
Signatures de mutation avec insertions et délétions
Nous avons ré-extrait les signatures, y compris, en plus des 96 types de substitution, deux autres classes de mutation : indels à courtes répétitions nucléotidiques et indels avec des micro-homologies de chevauchement aux points d'arrêt. Trois des 21 signatures de substitution de base sont associées à un grand nombre d'indels. La signature 6, caractérisé principalement par des mutations C>T sur NpCpG, mais distincte de la signature 1A/B, contribue à un très grand nombre de substitutions et petits indels (principalement de 1 pb) au niveau de répétitions de nucléotides, dans des sous-ensembles de cancers du côlon, de l'utérus, du foie, du rein, de la prostate, de l'œsophage et du pancréas. Ce modèle d’indels, souvent appelée « instabilité des microsatellites* », est caractéristique de cancers avec disparité du DNA lors de la réparation. Cette explication est cohérente avec la signature 6 fortement associée à l'inactivation des gènes de réparation des disparités de l'ADN dans le cancer colorectal.
La signature 15 contribue également à un très grand nombre de substitutions et de petits indels de répétitions nucléotidiques mais, par rapport à la signature 6, elle présente une plus grande prééminence de C>T sur les trinucléotides GpCpN. La signature 15 a été trouvée dans plusieurs échantillons de cancer du poumon et de l'estomac et son origine est actuellement inconnue.
Par contre, un nombre important de grandes délétions (jusqu'à 50 pb), avec des chevauchements de micro-homologies aux points d’arrêt, ont été trouvées dans les cancers du sein, de l'ovaire et des cas de cancer du pancréas avec des contributions majeures de la signature 3. Un sous-ensemble de cas de ces trois classes de cancer est connue pour être due à des mutations d'inactivation de BRCA1 et BRCA2, et la présence de la signature 3 a été fortement associée à des mutations BRCA1 et BRCA2 dans différents types de cancer individuels du sein et du pancréas. En effet, presque tous les cas avec mutations BRCA1 et BRCA2 ont montré une grande contribution de la signature 3. Cependant, certains cas avec une contribution substantielle de la signature 3 n’avaient pas les mutations BRCA1 et BRCA2, indiquant que d'autres mécanismes ou anomalies peuvent provoquer l’inactivation de BRCA1 et BRCA2.
BRCA1 et 2 sont impliqués dans la réparation de cassures lors de la recombinaison homologue d’ADN double-brin. La perte de leur fonction produit des mécanismes de jonctions non homologues, qui peuvent utiliser les micro-homologies aux jonctions, prenant le contrôle des réparations de cassures de l’ADN double-brin. Ceci montre qu’en plus de l’instabilité génomique conférée par le défaut de réparation des double-brins, la substitution d’une mutation de base est associée à la déficience de BRCA1 et 2.
Association entre étiologie du cancer et signatures de mutations
Chaque signature de mutation est l'empreinte laissée sur le génome du cancer par un processus de mutation qui peut comprendre une ou plusieurs lésions de l'ADN et/ou de mécanismes de maintenance de l'ADN, ce dernier fonctionnant normalement ou anormalement. Ici, nous considérons les mécanismes ou les causes sous-jacentes en comparant les signatures avec des motifs de mutation dont la causalité est connue dans la littérature scientifique ou en les associant avec des caractéristiques épidémiologiques et biologiques de types de cancers particuliers.
Signature 1A/B est probablement due au processus de mutation endogène, présent dans la plupart des cellules normales et néoplasiques, qui est initié par la désamination de la 5-méthyl-cytosine. D’autres signatures sont probablement imputables à des expositions à des cancérogènes externes. La signature 7 est observée dans le mélanome malin et le carcinome épidermoïde de la tête et du cou et possède les caractéristiques connues de mutations induites par les ultraviolets. La signature 4 est trouvée dans les cancers associés à la consommation de tabac et possède les caractéristiques mutationnelles associées aux carcinogènes du tabac. La relation causale entre tabagisme et la signature 4 est soutenue par une forte association positive entre les antécédents de tabagisme et les contributions de la signature 4 aux cancers individuels.
La fumée de cigarette contient plus de 60 carcinogènes et il est possible que ce complexe induise d’autres processus mutationnels. Les signatures 1A/B, 2 et 5 sont aussi trouvées dans l’adénocarcinome pulmonaire. La signature 5, mais pas les 1A/B et 2, montre aussi une relation positive avec les antécédents tabagiques. Ainsi, dans le cancer du poumon, la signature 5, qui se caractérise principalement par des mutations C>T et T>C, peut également être dues à des agents cancérigènes du tabac. Cependant, elle est aussi présente dans neuf autres types de cancer, dont la plupart ne sont pas fortement associés à la consommation de tabac, son origine globale n’est donc pas claire.
Certains médicaments anticancéreux sont mutagènes. La signature 11 se trouve dans les mélanomes malins et les glioblastomes multiformes prétraités avec l’agent alkylant témozolomide et possède des caractéristiques mutationnelles très similaires à celles déjà rapportés pour les agents alkylants.
Des anomalies dans la maintenance de l’ADN peuvent également être responsables de signatures de mutation, et les rôles des réparations défectueuses des disparités dans la recombinaison homologue de l’ADN double brin ont déjà été discutés.
D’autres signatures peuvent résulter d'une activité anormale des enzymes qui modifient l'ADN ou des erreurs de polymérases. Les signatures 2 et 13 ont été attribuées à la famille AID/APOBEC de la cytidine-déaminase.
Sur la base de similitudes dans les séquences de mutations de cytosine causées par des enzymes APOBEC dans des systèmes expérimentaux, le rôle d’APOBEC1, APOBEC3A et/ou APOBEC3B semble plus probable dans le cancer humain, que d'autres membres de la famille. Cependant, la raison de l'extrême activation de ce processus de mutation dans certains cancers est inconnue. Parce que l’activation d’APOBEC fait partie de la réponse immunitaire innée aux virus et rétro transposons, ces signatures mutationnelles pourraient créer des dommages collatéraux sur le génome humain à partir d’une réponse originellement dirigée vers des rétro transposons ou des virus exogènes. La confirmation de cette hypothèse créerait un nouveau mécanisme important de carcinogénèse.
La signature 9, observé dans la leucémie lymphoïde chronique et le lymphome malin à cellules B, est caractérisée par des transversions T>G des trinucléotides ApTpN et TpTpN. Et elle est limitée aux cancers qui ont déjà des hypermutations d’immunoglobulines associées à des déficits immunologiques. La signature 9 n'a cependant pas les caractéristiques mutationnelles associées aux déficits immunitaires, on suggère qu’elle soit due à une erreur de polymérase induite par la désamination de la cytidine. De même, la signature 10, qui génère un grand nombre de mutations dans les sous-ensembles de cancers colorectaux et de l'utérus, a déjà été associée à des erreurs de polymérase.
Beaucoup de signatures mutationnelles n’ont pas encore de processus clairement démontré. Certaines, comme les signatures 8, 12 et 16, montrent de forts biais de transcription de brin et reflètent peut-être l'implication des NER couplées à la transcription agissant sur de volumineux adduits d’ADN dus à des carcinogènes de l’environnement. D'autres, par exemple les signatures 14, 15 et 21, montrent une intense activité dans un petit nombre de cas de cancer et sont peut-être dues à défauts non encore caractérisés dans la maintenance de l'ADN.
Hypermutation localisée
Des foyers localisés d’hypermutation, nommés « kataegis » (du grec : orage), ont été récemment décrits dans le cancer du sein.
Les kataegis se caractérisent par des clusters de mutations C>T et/ou C>G essentiellement sur les trinucléotides TpCpN et sur le même brin d'ADN. Les foyers de kataegis comprennent de quelques à plusieurs milliers de mutations et sont souvent trouvés au voisinage de réarrangements génomiques. Les régions génomiques touchées sont différentes selon les cancers. Sur la base des types de substitution et de la séquence concernée, le rôle des enzymes de la famille APOBEC a été proposé pour ces kataegis ainsi que pour les signatures 2 et 13.
Nous avons fouillé le catalogue des 507 mutations du génome complet des cancers pour établir des groupes de mutations. Les cancers du sein (67 sur 119), le pancréas (11 sur 15), du poumon (20 sur 24), le foie (15 sur 88), le médulloblastome (2 sur 100), LLC (15 sur 28), les lymphomes à cellules B (21 sur 24) et LLA (1 sur 1) ont montré d’occasionnels (<10), petits (10) foyers de kataegis foyers et deux cancers du sein et 1 cancer du pancréas ont montré d’importants foyers de kataegis (>50 mutations).
Les foyers de kataegis sont souvent associés à des réarrangements génomiques. Chez la levure, l'introduction d'une cassure d’ADN double brin augmente considérablement la probabilité de kataegis dans son voisinage, indiquant un rôle de ces cassures dans le lancement du processus. Cependant, même dans les cas de cancer avec kataegis, la plupart des réarrangements ne présentent pas de kataegis à proximité, indiquant qu'une cassure double brin n’est pas suffisante.
Dans les tumeurs d'origine B-lymphocyte, y compris LLC et beaucoup de lymphomes, des clusters de mutation se produisent de façon récurrente sur des loci l'immunoglobuline. Dans ces cancers les caractéristiques de mutations étaient différentes, portant les caractéristiques d’une hypermutation somatique, associé à un immuno-déficit, qui advient pendant la mise en place de la diversité immunologique.
Discussion
La diversité et la complexité des procédés de mutation somatique qui sous-tendent la carcinogénèse chez l’homme est en train d’être révélée par des profils de mutations enfouies dans les génomes de cancer. Il est probable que nous détecterons plus de signatures avec une définition plus précise de leurs caractéristiques, car le nombre de séquences entières de génome de cancer augmente et que les méthodes d'analyse se sont affinées.
Le mécanisme de base de certaines signatures est, au moins partiellement, compris mais pour beaucoup, il reste spéculatif ou inconnu. Elucider les processus de mutation sous-jacents dépendra de deux grands courants de recherche. Tout d'abord, la compilation des signatures de mutations de modèles exposés à des mutagènes ou à des perturbations des machineries de maintenance de l'ADN en les comparant avec les cancers humains. Deuxièmement, la corrélation entre les contributions de signatures de mutation et d'autres caractéristiques biologiques de chaque cancer par le biais de diverses approches allant du profilage moléculaire à l'épidémiologie. Collectivement, ces études feront progresser notre compréhension de l’étiologie du cancer avec des implications potentielles pour la prévention et le traitement.
Résumé des méthodes
Les catalogues de mutation ont été rigoureusement triés à partir de notre précédent travail de synthèse grâce à l’informatique. Le cadre de calcul pour déchiffrer les signatures de mutation et tous les catalogues de mutations sont librement disponible pour téléchargement à partir de http: //www.mathworks.com/matlabcentral/fileexchange/38724.
L’ensemble des mutations somatiques est disponible à partir de :
ftp://ftp.sanger.ac.uk/pub/cancer/AlexandrovEtAl.
Toutes les signatures de mutations présentées ont été validées. Les kataegis ont été détectés en utilisant un algorithme basé sur un tableau de constantes.
_____________
* Un adduit à l'ADN résulte de la fixation d'une molécule à un site nucléophile de l'ADN par liaison covalente. Ces adduits à l'ADN peuvent modifier l'expression des gènes, et participer à la carcinogénèse. Les adduits à l'ADN sont utilisés en tant que biomarqueurs de l'exposition environnementale à des molécules mutagènes ou cancérigènes
* Les microsatellites sont des séquences répétées d'ADN non codant disséminées dans tout le génome. La transmission mendélienne est co-dominante, avec un grand polymorphisme. On ne connaît pas leur rôle ni leur origine. Ces séquences sont utilisées pour étudier la filiation, le clonage ainsi que dans la police scientifique (identification des sujets). L'instabilité micro-satellitaire caractérise le fait que ces séquences ont des longueurs différentes dans l'ADN tumoral par rapport à l'ADN normal.
Traduction : Luc perino
Alexandrov LB and 68 collaborators
Signatures of mutational processes in human cancer
Nature. 2013 Aug 22;500(7463):415-21
DOI : 10.1038/nature12477
Depuis quelques années, le problème de l'antibiorésistance, les progrès de la génomique, la redécouverte du microbiote et la prise en charge de maladies au long cours, nécessitent l'introduction d'une pensée évolutionniste dans la réflexion clinique.
Le premier diplôme universitaire intitulé "Biologie de l'évolution et médecine" a été mis en place à la faculté de Lyon. Voir ICI
Du judiciaire à l’éducation, la société appelle l’expertise de la médecine pour dire, sur fond d’une valence reconnue, d’un savoir et d’une compétence, ce qu’il est possible de faire pour guérir les maux d’une société. La médicalisation des problèmes sociaux (violence à l’école, criminalité, souffrance au travail, mal-être, etc.) est implicitement admise comme une solution efficace, nécessaire et cohérente. La médecine, qui a pris soin de notre santé, prendra en charge aussi la souffrance des hommes en la « pathologisant ».
― Marc Grassin et Frédéric Pochard