dernière mise à jour le 19/10/2015
Certains allèles préjudiciables à la santé, en particulier chez les personnes âgées, ont pu persister dans les populations parce qu'ils confèrent également des avantages pour les individus dans la première partie de leur existence. Ce phénomène est bien connu des évolutionnistes sous le nom de ‘pléiotropie antagoniste’.
C’est probablement le cas de l'allèle ApoE4 au locus ApoE qui code pour l'apolipoprotéine
E. Cet allèle 4 augmente significativement le risque de mauvaise santé avec les années, particulièrement le risque de maladie d’Alzheimer. Cet allèle est présent dans de nombreuses populations à des fréquences relativement élevées. Pourquoi la ‘Sélection Naturelle’ ne l’a-t-elle pas remplacé par l’allèle ApoE3 plus bénéfique à la santé ?
L’Apolipoprotéine E contribue largement à la production de cholestérol qui est lui-même un précurseur dans le métabolisme de production d'œstrogène et de progestérone au niveau de l’ovaire. Ainsi, le gène ApoE est un candidat potentiel des variations de performance dans la reproduction et la fertilité.
Nos résultats appuient cette hypothèse. Notre étude sur 117 femmes aux menstruations régulières a montré que celles qui sont porteuses d’au moins un allèle ApoE4 ont des taux plus élevés de progestérone lutéale (hormone de la grossesse) que celles qui n’ont aucun allèle ApoE4.
Le taux moyen de progestérone est de est de 144,21 pmol / L pour les porteuses de l’allèle 4 contre 120,49 pmol / L pour les autres. Ce qui indique une meilleure fertilité potentielle.
Nous suggérons que le constat de cette élévation du taux de progestérone chez les femmes avec l'ApoE4 est une première preuve solide du mécanisme évolutif de maintien de cet allèle ancestral dans les populations humaines.
Cette pléiotropie antagoniste contribue aussi à expliquer la grande fréquence de la maladie d’Alzheimer chez les femmes âgées.
Jasienska G, Ellison PT, Galbarczyk A, Jasienski M, Kalemba-Drozdz M, Kapiszewska M, Nenko I, Thune I, Ziomkiewicz A.
Apolipoprotein E (ApoE) polymorphism is related to differences in potential fertility in women: a case of antagonistic pleiotropy?
Proceedings of the Royal Society B 282: 20142395. (2015).
DOI: 10.1098/rspb.2014.2395
Depuis quelques années, le problème de l'antibiorésistance, les progrès de la génomique, la redécouverte du microbiote et la prise en charge de maladies au long cours, nécessitent l'introduction d'une pensée évolutionniste dans la réflexion clinique.
Le premier diplôme universitaire intitulé "Biologie de l'évolution et médecine" a été mis en place à la faculté de Lyon. Voir ICI
Le progrès des méthodes diagnostiques, de plus en plus sophistiquées et coûteuses, ne facilite pas la prise de conscience que la finalité de la médecine n'est pas de parvenir à un diagnostic à tout prix, ni même de prodiguer compassion et soins, mais d'améliorer la qualité et la quantité de vie.
― Jean Pierre Boissel