dernière mise à jour le 19/10/2015
Les différences entre espèces dans leur capacité à s’adapter aux changements environnementaux menacent la biodiversité, la santé humaine, la sécurité alimentaire, et la disponibilité des ressources naturelles.
Les pathogènes, les nuisibles et les cancers évoluent souvent assez rapidement vers une résistance aux mesures de contrôle, alors que les cultures, l'élevage, les espèces sauvages, et les êtres humains, ne s’adaptent pas assez rapidement pour faire face au changement climatique, aux nouveaux habitats et modes de vie et aux substances toxiques,
Pour relever ces défis, les pratiques fondées sur la biologie évolutionniste peuvent obtenir des résultats durables par la manipulation stratégique de facteurs génétiques, développementaux et environnementaux.
Les stratégies gagnantes sont celles qui diminuent les effets indésirables de l'évolution, réduisent la valeur adaptative des espèces nuisibles, améliorent les performances des organismes utiles en réduisant l’inadéquation phénotype/environnement ou en augmentant la productivité du groupe.
L’éventail des tactiques de biologie évolutionniste est très large, depuis les politiques de promotion de la santé publique ou de protection de l’habitat – trop facilement négligées car considérées comme allant de soi – jusqu’à l’ingénierie de nouveaux génomes.
Avancées
La portée et le développement de tactiques actuelles varient considérablement. En particulier, le génie génétique, qui attire beaucoup l'attention et la controverse, mais n’est désormais utilisé que pour de simples contrôles génétiques de caractères. La thérapie génique humaine, qui implique des contrôles plus complexes, n'a pas encore eu de succès à grande échelle. En revanche, d'autres méthodes pour modifier des traits complexes s’améliorent. Il s’agit notamment la sélection artificielle de plantes résistantes à la sécheresse et aux inondations grâce à la bio-informatique, ainsi que l'approche des "parcours de vie" en médecine pour réduire les troubles métaboliques.
Un contrôle efficace de l'évolution indésirable dépend de nos réponses aux défis résultant des facteurs naturels et sociaux. Les principaux de ces défis sont le transfert mondial de gènes et d’agents de sélection, les évolutions interdépendantes des secteurs traditionnels de la société (environnement, alimentation et santé), et les conflits entre les intérêts individuels et collectifs qui menacent la réglementation de l'utilisation des antibiotiques et des cultures refuges. Des pratiques éclairées par la pensée évolutionnistes sont une nouveauté qu’il faut introduire dans de nombreux domaines et qui nécessite des recherches plus systématiques. Il faut aussi lui adjoindre de nouvelles règles éthiques comme, par exemple, des tentatives pour protéger les espèces sauvages par la migration assistée, ou le choix des populations sources pour leur restauration ou pour le génie génétique.
Carroll SP, Jørgensen PS, Kinnison MT, Bergstrom CT, Denison RF, Gluckman P, Smith TB, Strauss SY, Tabashnik BE
Applying evolutionary biology to address global challenges
Science. 2014 Oct 17;346(6207):1245993
DOI: 10.1126/science.1245993
Depuis quelques années, le problème de l'antibiorésistance, les progrès de la génomique, la redécouverte du microbiote et la prise en charge de maladies au long cours, nécessitent l'introduction d'une pensée évolutionniste dans la réflexion clinique.
Le premier diplôme universitaire intitulé "Biologie de l'évolution et médecine" a été mis en place à la faculté de Lyon en 2016.
Il apparaît que définir la physiologie comme la science des lois ou des constantes de la vie normale ne serait pas rigoureusement exact, pour deux raisons. D'abord parce que le concept de normal n'est pas un concept d'existence, susceptible en soi de mesure objective. Ensuite, parce que le pathologique doit être compris comme une espèce du normal, l'anormal n'étant pas ce qui n'est pas normal, mais ce qui est un autre normal. Cela ne veut pas dire que la physiologie n'est pas une science. Elle l'est authentiquement par sa recherche de constantes et d'invariants, par ses procédés métriques, par sa démarche analytique générale. Mais s'il est aisé de définir par sa méthode comment la physiologie est une science, il est moins aisé de définir par son objet de quoi elle est la science. La dirons-nous science des conditions de la santé ? Ce serait déjà, à notre avis, préférable à science des fonctions normales de la vie, puisque nous avons cru devoir distinguer l'état normal et la santé. Mais une difficulté subsiste. Quand on pense à l'objet d'une science, on pense à un objet stable, identique à soi. La matière et le mouvement, régis par l'inertie, donnent à cet égard toute garantie. Mais la vie ? N'est-elle pas évolution, variation de formes, invention de comportements ? Sa structure n'est-elle pas historique autant qu'histologique ? La physiologie pencherait alors vers l'histoire qui n'est pas, quoi qu'on fasse, science de la nature. Il est vrai qu'on peut n'être pas moins frappé du caractère de stabilité de la vie. Tout dépend en somme, pour définir la physiologie, de l'idée qu'on se fait de la santé.
― Georges Canguilhem