dernière mise à jour le 12/02/2021
Anthropologues, biologistes et médecins spécialistes de l’évolution se plaisent souvent à travers leurs études consacrées aux singes à mettre en exergue leurs très grandes similitudes avec les humains. Mais s’il n’est plus à démontrer que nous sommes tous des primates, des éléments très nets nous différencient cependant de nos amis les macaques. A commencer par les mains. Celles des grands singes sont souvent bien plus grandes, qu’il s’agisse de la paume ou des doigts. En outre, nos pouces sont bien plus forts, longs et mobiles. Depuis des décennies, les spécialistes sont à pied d’œuvre pour comprendre les raisons et les implications de cette différence. Pour la très grande majorité des observateurs, c’est la manipulation fine des outils qui a dessiné cette nouvelle morphologie aux mains humaines, quand les singes ont conservé leurs longs doigts fins bien plus utiles pour passer d’une branche d’arbre à l’autre. D’autres préfèrent penser que la station debout a eu une influence décisive : très schématiquement, ils font l’hypothèse que pieds et mains ont suivi des évolutions similaires.
Médecin et biologiste au sein de l’université de l’Utah, Michael Morgan et David Carrier proposent une autre piste plus frappante ! Ils constatent que la main de l’homme est particulièrement efficace pour… se transformer en poing. Tant leurs proportions que leurs mécaniques font de nos paluches des instruments imparables pour asséner quelques corrections. Atout indéniable notamment : nos phalanges lorsqu’elles sont repliées s’imbriquent de façon parfaite entre la paume et le pouce. Pour vérifier leur hypothèse, les deux scientifiques ont notamment mesuré chez dix athlètes les impacts de coups portés sur un punching ball avec la main soit ouverte, soit fermée. « A leur grande surprise, ils n’ont pas observé de différence de force dans les coups » indique le journaliste scientifique canadien Jean-François Cliche, qui commente sur son blog « Sciences dessus dessous » ces travaux publiés dans le Journal of Experimental Biology. Si des forces « comparables avec la main ouverte et le poing fermé » ont donc été mises en évidence, les auteurs ont cependant pu constater que « frapper avec le poing accroît le stress (la force par unité de surface) sur la cible ». En clair, frapper avec le poing offre une efficacité supplémentaire pour provoquer fractures ou contusions. Or, il semble que la main de l’homme soit particulièrement bien formée pour serrer les poings.
En prévention des oppositions qui ne manqueront pas d’être soulevées par ceux qui préfèrent (sans qu’il soit difficile de comprendre pourquoi) défendre que la main de l’homme a évolué pour accroître sa dextérité, les chercheurs mettent en avant plusieurs arguments. D’abord, ils notent qu’au moment où le « singe » se met debout (et également au moment où sa main évolue pour prendre la forme de celle de l’homme) : « le mâle était nettement plus gros que la femelle, signe immanquable d’une grande compétition intense entre les mâles » résume Jean-François Cliche. Surtout, ils notent que la main de l’homme pourrait être le fruit de deux « fonctions » : la manipulation fine et le coup. Ainsi, si nos mains n’avaient été « destinées » qu’à nous servir d’arme, « diverses transformations évolutives » différentes auraient pu se dessiner « qui auraient abouti à une structure en forme de massue adaptée au combat ». De même, pour ne se spécialiser que dans la manipulation, la main aurait pu tout aussi bien prétendre à d’autres proportions également « compatibles avec une grande dextérité manuelle » écrivent les auteurs. « Ultimement, la signification évolutive de la main humaine pourrait se trouver dans sa remarquable capacité à servir deux fonctions en apparence incompatibles, mais toutes deux intrinsèquement humaines » concluent enfin les auteurs.
Bien sûr, l’idée est loin d’être adoubée par tous les spécialistes. Jean-François Cliche fait ainsi état des réserves de Mary Marzke de l’Université d’Arizona qui dans le New Scientist estime plutôt que cette si parfaite propension à devenir un poing est plus certainement un « effet secondaire utile » de l’évolution de la main. Il ne faudrait pas qu’en nous éloignant du singe, nos mains nous rapprochent trop de l’animal.
(Abstract de Aurélie Haroche)
Morgan MH, Carrier DR.
Protective buttressing of the human fist and the evolution of hominin hands
J Exp Biol. 2013 Jan 15;216(Pt 2):236-44.
DOI: 10.1242/jeb.075713
Depuis quelques années, le problème de l'antibiorésistance, les progrès de la génomique, la redécouverte du microbiote et la prise en charge de maladies au long cours, nécessitent l'introduction d'une pensée évolutionniste dans la réflexion clinique.
Le premier diplôme universitaire intitulé "Biologie de l'évolution et médecine" a été mis en place à la faculté de Lyon en 2016.
Un symptôme somatomorphe peut venir "béquiller" une existence vacillante ou insatisfaisante. Il va donner un certain sens à l'existence... Plus encore, le sujet va parfois porter le flambeau de sa "maladie", arborer son symptôme comme un étendard, en militant. Pourrait-on parler alors de symptôme somatomorphe socialement "réussi" ?
― Frédéric Dubas & Catherine Thomas-Antérion