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Poids de naissance et cancer

dernière mise à jour le 19/04/2016

Plusieurs études montrent qu’un poids de naissance élevé est un facteur indépendant d’élévation du risque de certains cancers de l’enfance, particulièrement les leucémies aigues lymphoblastiques, le lymphome non Hodgkinien, le néphroblastome (tumeur de Wilms) et le neuroblastome. Le risque est globalement multiplié par deux, indépendamment de l’âge gestationnel, des pathologies de la grossesse, et de la consommation d’alcool ou de tabac pendant la grossesse.

L’hypothèse la plus probable est celle d’une pléiotropie antagoniste. Les facteurs de croissance tels que l’IGF, très utiles en début de vie, peuvent se révéler délétères en stimulant des cellules procarcinogènes par la suite.

Partant de ce constat, certains auteurs ont analysé les données du cancer dans de nombreux pays pour évaluer l’incidence des cancers tout au long de la vie en relation avec un poids de naissance élevé. Ce poids étant un élément important de survie et de résistance aux infections dans de nombreux pays.

L’hypothèse d’une pléiotropie antagoniste en relation avec le poids de naissance se révèle très solide, dans les deux sexes, pour les cancers du rein, du pancréas, le myélome multiple, le mélanome, et chez l’homme, pour le cancer de la prostate et de la vessie.

Un modèle animal, le poisson Xiphophorus, confirme cette hypothèse. Les allèles qui confèrent une taille élevée et un avantage dans la compétition intrasexuelle des mâles et dans les choix d’appariement de la femelle sont également des oncogènes de promotion du mélanome.

Pour d’autres cancers (côlon, sein, bouche) les facteurs de confusion n’ont pas permis d’affirmer un risque supérieur en relation avec le poids de naissance.

Certes une tumeur comme le rare néphroblastome s’explique aussi par la persistance anormale de cellules embryonnaires dans le rein de l’enfant. Cependant la pléiotropie antagoniste reste l’hypothèse la plus solide pour expliquer cette corrélation entre un poids de naissance élevé et plusieurs cancers de l’enfant et surtout de l’adulte.

L’approche évolutionniste en cancérologie se révèle théoriquement de plus en plus fructueuse, même si, hélas, les retombées pratiques sont encore difficiles à imaginer.

Bibliographie

Fernandez AA, Bowser PR
Selection for a dominant oncogene and large male size as a risk factor for melanoma in the Xiphophorus animal model
Mol Ecol. 2010 Aug;19(15):3114-23
DOI : 10.1111/j.1365-294X.2010.04738.x

Rangel M, Cypriano M, de Martino Lee ML, Luisi FA, Petrilli AS, Strufaldi MW, Franco Mdo C
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Eur J Pediatr. 2010 Jul;169(7):875-81
DOI : 10.1007/s00431-010-1139-1.

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Malignancies and High Birth Weight in Human: Which Cancers Could Result from Antagonistic Pleiotropy ?
Journal of Evolutionary Medicine. Vol. 1 (2012), Article ID Q120502, 5 pages
DOI : 10.4303/jem/Q120502

Yeazel MW, Ross JA, Buckley JD, Woods WG, Ruccione K, Robison LL
High birth weight and risk of specific childhood cancers: a report from the Children's Cancer Group
J Pediatr. 1997 Nov;131(5):671-7

Médecine évolutionniste (ou darwinienne)

Depuis quelques années, le problème de l'antibiorésistance, les progrès de la génomique, la redécouverte du microbiote et la prise en charge de maladies au long cours, nécessitent l'introduction d'une pensée évolutionniste dans la réflexion clinique

Le premier diplôme universitaire intitulé "Biologie de l'évolution et médecine" a été mis en place à la faculté de Lyon. Voir ICI

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