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Schizophrénie, dépression et toxoplasmose.

dernière mise à jour le 18/03/2014

Le parasite Toxoplasma Gondii agent de la toxoplasmose est bien connu depuis longtemps pour les dégâts qu’il peut causer sur les yeux et le cerveau du fœtus lorsque la mère est infectée en cours de grossesse.
La primo-infection de l’être humain par ce parasite peut occasionner des troubles mineurs, mais elle passe souvent inaperçue. Très vite, les réactions immunitaires empêchent la prolifération du parasite et il pénètre alors à l’intérieur des cellules et vit sous forme enkystée à l’intérieur de vésicules et à l’abri du système immunitaire de son hôte. On peut être ainsi infecté toute sa vie par le toxoplasme sans jamais le savoir.

Ce parasite peut infecter tous les mammifères terrestres et marins, ainsi que la plupart des oiseaux. Dans la plupart de ces hôtes, il vit sous cette forme enkystée, sans causer trop de dégâts et en attendant des jours meilleurs.
Mais quels seront donc ces jours meilleurs ?
Chez l’homme, ce sera un affaiblissement du système immunitaire. Nous savons depuis longtemps que les patients ayant subi une greffe et soumis à un traitement immunosuppresseur pour empêcher le rejet, sont souvent victimes de formes graves de la toxoplasmose. Nous savons aussi que les patients immunodéprimés par le virus du SIDA meurent souvent de la toxoplasmose.
Mais la plus belle occasion pour un toxoplasma est la rencontre avec un chat qui est l’hôte idéal chez lequel il peut se reproduire, pondre des œufs et recommencer son cycle de contamination chez de nouveaux hôtes.

Mais comment réussir à se faire avaler par un chat ? Ou plus exactement comment réussir à faire avaler son hôte par un chat ?
Les biologistes ont découvert chez plusieurs parasites, des stratégies d’un très haut niveau de sophistication mises en place par l’évolution. Il s’agit d’une manipulation des comportements de l’hôte par le parasite.
Ainsi, le ver Euhaplorchis californiensis investit le cerveau de certains poissons qui se mettent alors à nager plus en surface et deviennent une proie plus facile pour les oiseaux marins chez lesquels il se reproduit. Les poissons infectés sont 30 fois plus nombreux à se faire capturer que les poissons sains. Un autre ver, la petite douve, infecte le système nerveux des fourmis qui se tiennent alors inconsciemment au sommet des brins d’herbe s’offrant ainsi en pâture aux herbivores qui sont l’hôte idéal de cette petite douve du foie.
Un ver trématode infecte les palourdes et induit chez elles un comportement qui les empêche de s’enfuir à marée basse pour faciliter leur ingestion par un oiseau.
Dans le même registre, nous connaissions le comportement agressif du chien et du renard induit par le virus de la rage qui doit trouver un nouvel hôte en passant par la salive au cours d’une morsure !

De la même façon le toxoplasme induit des comportements étranges chez ses hôtes qui deviennent alors la proie plus facile des félins. Si vous voyez un jour une souris suicidaire devant votre chat, c’est probablement qu’elle est infectée par le toxoplasme !

Quel rapport toutes ces histoires naturelles peuvent-elles bien avoir avec la schizophrénie et les dépressions chez l’homme ?
Depuis 2006, plusieurs publications (voir ref) font état de corrélations fortes entre le taux d’immunoglobulines antitoxoplasmose et la schizophrénie, entre plusieurs infections virales et la schizophrénie, et établissent un lien entre les mères atteintes et leur risque ultérieur de schizophrénie ou de phénomènes dépressifs.

C’est la mise en correspondance de ces publications médicales et des connaissances sur les stratégies évolutionnistes très sophistiquées des parasites qui a permis d’émettre l’hypothèse de la toxoplasmose comme l’une des causes possibles de schizophrénies ou d’épisodes dépressifs. Le fait d’induire ces comportements ne change en rien l’avenir du parasite, car nous ne sommes pas la proie des chats, mais le toxoplasme agirait de la même façon sur le comportement de tous ses hôtes, de façon non discriminatoire, car l’évolution ne fait pas dans la dentelle ! Un toxoplasme agit comme un toxoplasme quelles que soient ses chances de succès ou d’échec !
Chez les souris, la dépression, la perte de vitalité et la perte de l’instinct de fuite ont des conséquences mortelles en présence d’un chat.

Chez l’homme, les conséquences sont plus diverses et variables, comme toujours.

Bien évidemment, nous savons que les causes de la schizophrénie sont multiples et complexes, mais cette piste mérite d’être étudiée et approfondie. Il est probable que la toxoplasmose sera un jour considérée avec sérieux comme l’une des multiples causes possibles des maladies psychiatriques, ou au moins comme ayant une influence possible sur certains de nos comportements.

Passionnant et illimité sujet de recherche qui mérite toutefois calme, rigueur et circonspection.

Bibliographie

Altairac S.
La toxoplasmose, une histoire qui dure.
http://web.expasy.org/prolune/dossiers/017/

Brown AS
Further evidence of infectious insults in the pathogenesis and pathophysiology of schizophrenia.
Am J Psychiatry 2011 ; 168 : 764-766.

Pedersen MG et coll.
Toxoplasma infection and later development of schizophrenia in mothers.
Am J Psychiatry 2011; 168 : 814-821.

Perino Luc
Schizophrénie, dépression et toxoplasmose
Médecine, vol 9, N°4, avril 2013

Torrey EF et coll.
Antibodies to Toxoplasma gondii in patients with schizophrenia: a meta-analysis.
Schizophr Bull 2007; 33:729—736

Médecine évolutionniste (ou darwinienne)

Depuis quelques années, le problème de l'antibiorésistance, les progrès de la génomique, la redécouverte du microbiote et la prise en charge de maladies au long cours, nécessitent l'introduction d'une pensée évolutionniste dans la réflexion clinique

Le premier diplôme universitaire intitulé "Biologie de l'évolution et médecine" a été mis en place à la faculté de Lyon en 2016.

La phrase biomédicale aléatoire

Il y a une différence entre attribuer causalement un effet potentiel à un facteur de risque et prédire que la neutralisation de ce facteur réduira le risque
― Maël Lemoine

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