lucperino.com

Allergies alimentaires : encore un problème de surmédicalisation

humeur du 22/01/2015

Depuis une à deux décennies, l'un des problèmes du soin dans nos pays est celui de la surmédicalisation : surdiagnostic et sur-traitement.

Ce problème ne fait jamais la une des médias, car la plupart des articles et sites médicaux destinés au grand public ressassent inversement que les maladies sont sous-diagnostiquées.

 Les médecins, qui jusqu’à maintenant ne s’alarmaient pas trop de cette surmédicalisation, commencent à s’organiser en association pour réfléchir à ce thème et ils l’abordent dans leurs sociétés savantes.

On peut comprendre qu’ils aient tardé à réagir, car ce n’est pas à eux de scier leur propre branche, mais à ceux qui financent cette gabegie médicale.

 Oui, l’hypertension, la dépression, l’hypercholestérolémie sont toutes largement sur-traitées. Oui, les cancers sont plus souvent sur-diagnostiqués que sous-diagnostiqués.

 Il y a pourtant des cas où il est facile de savoir si une maladie existe ou pas, c’est lorsqu’elle est exclusivement clinique, c’est-à-dire lorsque les symptômes sont évidents et le diagnostic relativement facile. Il suffit alors de reprendre l’histoire clinique et le dossier du patient, et de  revérifier si le diagnostic appliqué pour la vie est toujours exact.

C’est ce qu’on fait des médecins pour 800 enfants suspectés d’allergie alimentaire. Seuls 35% d’entre eux, soit 280 avaient eu une histoire clinique méritant d’effectuer un test (IgE spécifiques). Pour la moitié de ceux-là, le test positif avait entraîné la prescription d’un un régime d’exclusion, bien que ces test soient connus pour les très nombreux faux positifs. Rappelons que ces régimes sont anxiogènes et qu’ils altèrent la qualité de vie de toute la famille.

Parmi ceux qui suivaient un régime, le diagnostic a été contesté dans la moitié des cas.

Pour 90% des enfants, l’aliment suspect a été réintroduit sans problème !

La valeur prédictive positive des tests a été évaluée à seulement 2,2% !

Le test de provocation orale, qui est le test diagnostique le plus simple et le plus précis, n’a été positif que dans 6% des cas !

Assurément, que ce soit en cancérologie, en cardiologie, en endocrinologie, en psychiatrie et désormais en allergologie, le problème actuel de la santé dans nos pays n’est pas celui du sous-diagnostic, mais bien celui du surdiagnostic.

Est-ce que parce que les médecins voient leur branche se casser qu’ils commencent à s’intéresser à la surmédicalisation ou parce qu’ils craignent que les dépenses pour les bien-portants finissent par amputer le budget pour les vrais malades ? Sans doute un peu les deux, dans l’ordre que l’on estimera adéquat pour chacun d’entre eux.

Bibliographie

Bird J.A., Crain M., Varshney P.
Food allergen panel testing often results in misdiagnosis of food allergy.
J Pediatr. 2015 Jan;166(1):97-100
DOI : 10.1016/j.jpeds.2014.07.062.

Flinterman AE, Knulst AC, Meijer Y, Bruijnzeel-Koomen CA, Pasmans SG.
Acute allergic reactions in children with AEDS after prolonged cow's milk elimination diets.
Allergy. 2006 Mar;61(3):370-4

Réécoutez les chroniques médicales

La phrase biomédicale aléatoire

Une image est plus concrète que des pleurs, des fatigues ou des amaigrissements. Ces symptômes sans rigueur sont relégués aux métiers du soin. À l’heure de la précision numérique et du génie génétique, la science clinique est vécue comme une déchéance par le médecin expert, le symptôme corporel est considéré comme une broutille par le patient et leurs deux mépris se contaminent mutuellement.
― Luc Perino

Haut de page