lucperino.com

Lifting et Viagra®

humeur du 15/03/2015

Le lifting, hors les effets attendus, modifie aussi les signaux de l’appariement : symétrie du visage, cernes du regard, profil, sourire, silhouette. Que l’intervention soit invisible – ce qui est rare – ou visible, le partenaire sexuel ne sera pas le même qu’avant.

Le plus souvent, le lifting est très discernable, il devient alors un signal sexuel secondaire en lui-même. Même si le résultat est catastrophique du point de vue esthétique, il remplit son rôle de signal : j’appartiens à la catégorie de ceux qui peuvent se l’offrir et qui souhaitent séduire.
Il est alors logique que le partenaire appartienne à la catégorie de ceux qui sont réceptifs à un tel signal. Il est cependant peu probable d’en trouver un plus jeune, car l’âge physique est souvent plus visible qu’avant, et s’y ajoute quelques soupçons de déficit de la cognition sociale et de la spontanéité qui en fait le charme.
Le partenaire sera donc plus vieux, et qu’il soit ou non lifté lui-même, il n’aura certainement pas les performances sexuelles d’un étalon. Peu importe rétorqueront certains, puisque dans l’appariement après un certain âge, le champ affectif  est prioritaire. Argument irrecevable, car s’il y avait lifting, il y avait désir de jeunesse et de ses performances.
Le partenaire devra donc être un adepte du Viagra® ou d’un placebo du e-commerce. Ces comprimés sont essentiellement utilisés par des hommes qui se sont appariés, ou le souhaitent, avec des femmes plus jeunes.

Le mathématicien en conclura que la stratégie d’accouplement basée sur le lifting est inadéquate et que la probabilité d’appariement entre une femme liftée et un homme lui-même rehaussé est très faible.
Pourquoi donc le sociologue rétorquera-t-il qu’au contraire, la probabilité est forte ? Répétons que le lifting est un signal sexuel secondaire à très forte composante sociale, et de nombreux utilisateurs de Viagra® se situent dans le même groupe socio-culturel.
Certes les victimes des pneumopathies du silicone et des délabrements définitifs du visage ne sont plus sur le marché de l’appariement, mais celles qui y ont échappé ont encore quelque chance avec des rescapés cardio-vasculaires du Viagra®. L’histoire ne dit jamais les éventuelles misères sexuelles et cognitives qui en résultent, et nul n’a envie de le savoir, mais l’appariement peut être socialement réussi.

C’est aussi cela le communautarisme.

Bibliographie

Dunn N
Cardiovascular events in users of sildenafil. Paper does not provide any reassurance
BMJ. 2001 Jul 7;323(7303):50-1

Goldenberg MM
Safety and efficacy of sildenafil citrate in the treatment of male erectile dysfunction
Clin Ther. 1998 Nov-Dec;20(6):1033-48

Gurvits G
Silicone pneumonitis after cosmetic augmentation procedure
N Engl J Med 2006 ; 354 : 211-212

Humbert P, Viennet C, Legagneux K, Grandmottet F, Robin S, Oddos T, Muret P
In the shadow of the wrinkle: theories
J Cosmet Dermatol. 2012 Mar;11(1):72-8
DOI : 10.1111/j.1473-2165.2011.00602.x.

Linda Bendali
Les dangers de la médecine esthétique
Documentaire, France, 2010, 52 mn

Nkengne A, Bertin C, Stamatas GN, Giron A, Rossi A, Issachar N, Fertil B
Influence of facial skin attributes on the perceived age of Caucasian women
J Eur Acad Dermatol Venereol. 2008 Aug;22(8):982-91
DOI : 10.1111/j.1468-3083.2008.02698.

 

Réécoutez les chroniques médicales

La phrase biomédicale aléatoire

A l'aide des sciences expérimentales actives, l'homme devient un inventeur de phénomènes, un véritable contremaître de la création; et l'on ne saurait, sous ce rapport, assigner de limites à la puissance qu'il peut acquérir sur la nature, par les progrès futurs des sciences expérimentales. Maintenant reste la question de savoir si la médecine doit demeurer une science d'observation ou devenir une science expérimentale. Sans doute la médecine doit commencer par être une simple observation clinique. Ensuite, comme l'organisme forme par lui-même une unité harmonique, un petit monde (microcosme) contenu dans le grand monde (macrocosme), on a pu soutenir que la vie était indivisible et qu'on devait se borner à observer les phénomènes que nous offrent dans leur ensemble les organismes vivants sains et malades, et se contenter de raisonner sur les faits observés. Mais si l'on admet qu'il faille ainsi se limiter, et si l'on pose en principe que la médecine n'est qu'une science passive d'observation, le médecin ne devra pas plus toucher au corps humain que l'astronome ne touche aux planètes. Dès lors l'anatomie normale ou pathologique, les vivisections, appliquées à la physiologie, à la pathologie et à la thérapeutique, tout cela est complètement inutile. La médecine ainsi conçue ne peut conduire qu'à l'expectation et à des prescriptions hygiéniques plus ou moins utiles; mais c'est la négation d'une médecine active, c'est-à-dire d'une thérapeutique scientifique et réelle.
― Claude Bernard

Haut de page