humeur du 24/07/2013
Les grands médias ont toujours salué avec assiduité les progrès médicaux. Les succès de la médecine ont été largement vantés, souvent avec raison – reconnaissons-le –, malgré certains scandales retentissants.
Pourtant, depuis quelques années, les progrès sont de plus en plus ténus, et de plus en plus coûteux. Chaque minute de vie gagnée coûte de plus en plus cher à la société. Conscients de cette baisse de rentabilité, les grands marchands de santé se concentrent désormais sur les promesses et le rêve. Depuis quelques décennies, on parle plus volontiers d’essais cliniques « en cours », ou de « nouvelles » études qui pourraient déboucher sur des thérapeutiques « prometteuses ».
Sans vouloir saper ce bel enthousiasme du progrès permanent, les méta-analyses et observations rigoureuses montrent des réalités qu’il faut révéler, dans le cadre de l’information éclairée que nous devons aux citoyens et aux patients. Même si la majorité d’entre eux ne sont plus vraiment dupes de cette mercatique sanitaire.
Les études et essais cliniques annoncés ne sont publiés que lorsqu’ils sont positifs. C’est-à-dire environ une fois sur trois (voire une fois sur cinq, pour les antidépresseurs, par exemple).
Les meilleurs résultats publiés, dans les plus prestigieuses revues médicales, sont réfutés trois fois sur quatre dans les années suivantes. Ces réfutations ne sont publiées et médiatisées qu’une fois sur quatre ou cinq.
La calculette nous indique assez crûment ce qu’il convient de retenir de tout cela.
Prenons le meilleur des cas : 1/3 x 1/4 x 1/4 = 1/48.
Prenons le pire des cas : 1/5 x 1/4 x 1/5 = 1/100
Cela signifie, en clair, que dans les succès médicaux à venir, annoncés par les médias, il y a entre une et deux chances sur cent que l’un d’entre eux soit utile aux patients dans les décennies à venir. Entre 1% et 2%, cela fait beaucoup moins que les 5% qu’exigent les statisticiens pour la significativité d’un résultat !
Et puisque, malgré notre admiration pour les progrès des sciences biomédicales, nous acceptons de jouer ici les rabat-joie, il faut ajouter que les médias fonctionnent avec la médecine à l’inverse de la SNCF. D’un côté, on ne parle que des trains qui arrivent en retard. De l’autre côté, un résultat médical positif est cité et médiatisé cinq fois plus souvent qu’un échec, même sévère.
Si les médias sont si tendres avec la médecine, c’est certainement que la puissance de l’industrie sanitaire sait mieux les asservir ou les émouvoir. Ou encore qu’un sentiment trop intime de leur finitude, diminue la lecture critique et la lucidité des journalistes, comme celles des patients et de leurs proches.
Boissel Jean Pierre
L'information thérapeutique
Masson, Paris, 2000, p 51-52
Dickersin K, Min Y, Meinert CL.
Factors influencing publication of research results: follow-up of application submitted to two institutional reviews boards.
JAMA 1992;267:374-378
Dickersin K.
The existence of publication bias and risk factors for its occurrence.
JAMA 1990;263:1385-1389.
Easterbrook PJ, Berlin JA, Gopalan R, Matthews DR.
Publication bias in clinical research
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Gonon F. et Boraud T.
Attention à la médiatisation des recherches biomédicales
Le Monde, Sciences et médecine, 5 juin 2013
Turner EH, Matthews AM, Linardatos E, Tell RA, Rosenthal R.
Selective Publication of Antidepressant Trials and Its Influence on Apparent Efficacy.
N Engl J Med 2008;358(3):252-260.
Vallée Jean Pierre & Galois Pierre
A propos des antidépresseurs
Médecine, vol 9, N° 5, mai 2013, p 208
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