humeur du 12/07/2012
Un grand média organise un débat d’opinion sur la parité hommes-femmes dans l’entreprise. Les trois invités sont trois mâles caucasiens, directeurs d’entreprise, à costume gris sombre et cravate.
Supposons que ces hommes aient réellement des idées modernes sur la libération de la femme et soient sincèrement favorables à l’égalité des sexes. Supposons enfin que nous croyions à leur sincérité. Ces deux présuppositions n’empêcheront pas la pauvreté du dialogue. Nos interlocuteurs devant réajuster en permanence le fond et la forme de leurs propos pour contraindre leur sincérité et contourner leur statut.
Un autre média organise un débat politique où les trois invités sont trois membres actifs du front national ou d’un quelconque autre parti. Nous n’avons rien à présupposer pour imaginer l’ennui mortel du débat.
Imaginons à l’envi un débat sur la dépénalisation de la drogue où les trois invités seraient des dealers, ou un autre sur l’euthanasie où les trois invités seraient des prêtres, etc.
Il serait injuste de me reprocher quelque fantaisie de chroniqueur ou d’agitateur d’idée. Les sujets médicaux sont régulièrement à l’origine de ce genre de débat sans contradicteur sur les plus grands médias et pour le plus large public. Les invités y sont mâles et caucasiens, hauts responsables dans leur spécialité, ingénieurs biomédicaux, fort éloignés de la médecine basée sur le réel et adaptant volontiers les preuves à la promotion de leur spécialité.
Il convient de préciser ici que chaque spécialiste considère sa spécialité comme une priorité de santé publique. Le nombre de priorités de santé publique va donc croissant régulièrement comme le nombre de spécialités et d’hyper-spécialités.
Je dois fournir des preuves. Leur liste est interminable. J’en choisis une au hasard sur un sujet qui méritait au moins l’intervention d’un médecin généraliste ou d’un patient inutilement mutilé.
C’était sur un grand média au sujet du cancer de la prostate. Les trois invités étaient trois professeurs d’urologie dont l’un était le président de l’association française d’urologie ! Qui dit mieux ?
La polémique n’a même pas eu lieu. A vrai dire, la polémique est déjà dépassée, tant la médecine est prise en défaut sur ce dossier. Nos trois urologues pouvaient-ils en convenir au cours d’une si belle émission promotionnelle de leur spécialité ?
Ce débat a fini comme prévisible par tourner avec une discrète subtilité autour du spectre du "n'attendez pas qu'il soit trop tard pour vous informer"...
Et en plus de toutes ces menaces qui pèsent sur nous, il y a des trains qui n’arrivent pas à l’heure.
Invités : Pascal Richman : Président de l'Association française d'urologie - Laurent Salomon, professeur d'urologie à Henri Mondor. - Stéphane Droupy, professeur d'urologie au CHU de Nîme
Emission : Le téléphone sonne
France Inter. Mercredi 15/09/2010.
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