lucperino.com

Effet abscopal

dernière mise à jour le 29/03/2016

Par la multiplication cellulaire et le risque de mutation à chaque division, l’apparition de cellules cancéreuses, doit être vue comme un phénomène naturel aléatoire, plutôt que comme une véritable pathologie cellulaire. Il est désormais certain que notre organisme abrite régulièrement des cellules cancéreuses qu’il sait éliminer par son système immunitaire, bien avant que n’apparaissent des tumeurs cliniquement décelables.

Nous savons aussi que le processus tumoral dans son ensemble répond aux lois de l’évolution par la lutte, d’une part, entre le système immunitaire et la tumeur, d’autre part, entre cellules tumorales elles-mêmes.

Les métastases sont le stade ultime de la maladie cancéreuse, lorsque le système immunitaire est débordé et que des cellules cancéreuses ‘victorieuses’ peuvent s’adapter à de nouveaux tissus, débarrassées de leurs ennemies de la tumeur primitive, et sans l’assistance de leurs clones restés dans le tissu d’origine.

Pour ceux qui douteraient de cette vision écosystémique et immunitaire du cancer, l’effet abscopal, bien que rare, vient en fournir une belle démonstration.

Décrit pour la première fois en 1953, l’effet abscopal (du latin « à distance de la cible ») est le phénomène de régression d’une métastase suite à une irradiation thérapeutique visant une autre métastase ou la tumeur primitive. Parmi les explications possibles de ce phénomène, la plus probable est celle d’une immunité naturelle induite par l’irradiation. L’inflammation sur le site de l’irradiation, en détruisant les cellules tumorales, favorise la présentation d’antigènes et la production de cellules dendritiques qui vont pouvoir agir à distance.

L’idée de renforcer cette réaction immunitaire lors d’une irradiation peut avoir en théorie l’effet d’une immunothérapie systémique spécifique du cancer considéré.

Certains ont utilisé le GM CSF (Granulocyte-Macrophage Colony-Stimulating Factor) connu pour favoriser la maturation dendritique et accentuer l’effet abscopal chez des patients traités par radiothérapie pour un cancer métastasé.

Comme toujours, pour les cancers au stade métastatique, les effets thérapeutiques sont modestes. Ils confirment cependant que cette vision évolutionniste des processus tumoraux contribue à ouvrir les esprits et à stimuler la recherche.

Bibliographie

Golden EB, Chhabra A, Chachoua A, Adams S, Donach M, Fenton-Kerimian M, Friedman K, Ponzo F, Babb JS, Goldberg J, Demaria S, Formenti SC
Local radiotherapy and granulocyte-macrophage colony-stimulating factor to generate abscopal responses in patients with metastatic solid tumours: a proof-of-principle trial
Lancet Oncol. 2015 Jul;16(7):795-803
DOI : 10.1016/S1470-2045(15)00054-6

Mole RH
Whole body irradiation; radiobiology or medicine?
Br J Radiol. 1953 May;26(305):234-41

Thariat J, Boudabous M
L’effet abscopal, synergie entre immunothérapie et radiothérapie
Bulletin du Cancer, 100(11), novembre 2013
DOI : 10.1684/bdc.2013.1850

Lire les chroniques hebdomadaires de LP

Vous aimerez aussi...

Maladies coronaires et fertilité : exemple de pléiotropie antagoniste - Un trait monogénique est une particularité morphologique ou physiologique qui dépend d’un seul [...]

Différences sexuelles du cerveau des rongeurs - Abstract Les hormones stéroïdes d'origine gonadique agissent sur le cerveau néonatal pour [...]

Phases de vie : importance clinique de l'adolescence - L'épidémiologie « des parcours de vie » peut se définir comme l'étude des effets à long [...]

Alcool chez les hominidés - De nombreuses maladies humaines modernes sont attribuées à l'incompatibilité entre notre [...]

Cancers et multicellularité - Le cancer existe depuis le début de la vie multicellulaire. Il y a environ un milliard [...]

La phrase biomédicale aléatoire

Le scalpel du chirurgien esthétique n’est qu’une étape de temporisation entre le miroir ennemi et la dépression fatale. Même l’amant, ne peut pas changer une perception de soi, pervertie par la dépression. Comment un chirurgien le pourrait-il ? La dépression ne se soigne pas au bistouri.
― Luc Perino

Haut de page