humeur du 05/04/2016
Ayurveda, médecine assyro-babylonienne, papyrus médicaux de l’Egypte pharaonique, école médicale grecque d’Hippocrate, et grands médecins des civilisations romaines et arabes, tous avaient observé les bénéfices de la diète et de l’exercice quotidien sur la santé.
Dès la renaissance, les progrès de la clinique ont permis de démontrer les effets néfastes des excès alimentaires et de la sédentarité. Cette nouvelle expertise des cliniciens confirmait ainsi les observations des médecins du Moyen-âge et de l’Antiquité en précisant le rôle des sucres et des graisses dans l’obésité.
Avec l’avènement des sciences biomédicales au milieu du XX° siècle, des moyens d’investigation sophistiqués ont permis de comprendre la physiologie du stockage des graisses, l’insulinorésistance, ou encore la physiopathologie de l’athérosclérose. De multiples essais cliniques, expérimentations animales et méta-analyses statistiques ont mis en évidence les effets nocifs, d’une part, de la sédentarité qui s’était aggravée, d’autres part, des excès de sucres dont la consommation avait été multipliée par dix depuis le Moyen-âge.
A la fin du XX° siècle, avec l’éclosion de nouvelles spécialités et sous-spécialités médicales (endocrinologie, diététique, nutrition, gastro-entérologie, addictologie, diabétologie, chirurgie bariatrique), le nombre d’experts de l’obésité a rapidement augmenté, quoique moins vite que le nombre d’obèses. Ces experts, disposant de plus en plus de patients pour leurs études, utilisant les progrès de l’informatique et de la biologie moléculaire, ont pu modéliser les effets de la leptine, des facteurs insuline-like ou des peptides glucagon-like. Confirmant, de manière consensuelle, les effets délétères des excès alimentaires, notamment de sucres et de graisses.
En ce XXI° siècle naissant, les progrès de la métagénomique nous permettent de découvrir le rôle du microbiote dans l’obésité, et le rôle du régime sur le microbiote. Nous sommes devenus capables de mesurer la concentration de graisses intramusculaires par spectroscopie en résonance magnétique nucléaire. Nous découvrons avec stupéfaction que trois jours de sédentarité et de régime gras suffisent à déclencher l’insulinorésistance.
Le nombre d’experts de l’obésité et de leurs études s’accumule de façon vertigineuse. Et selon la corrélation jamais démentie entre le nombre d’experts et le nombre d’obèses, les projections de l’OMS affirment que 30% de la population sera obèse en 2030, contre 15% aujourd’hui.
Devant ce problème insoluble de l’obésité, augmentons encore le nombre d’experts, poursuivons impérativement les recherches, consacrons-y une part encore plus importante du budget de la santé…
Cela nous permettra peut-être de découvrir un jour que la sédentarité et les excès alimentaires, notamment de sucres et de graisses, jouent un rôle dans cette pathologie.
Kelly T, Yang W, Chen CS, Reynolds K, He J
Global burden of obesity in 2005 and projections to 2030
Int J Obes (Lond). 2008 Sep;32(9):1431-7
DOI : 10.1038/ijo.2008.102
Stettler R, Ith M, Acheson KJ, Décombaz J, Boesch C, Tappy L, Binnert C
Interaction between dietary lipids and physical inactivity on insulin sensitivity and on intramyocellular lipids in healthy men
Diabetes Care. 2005 Jun;28(6):1404-9
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Il apparaît que définir la physiologie comme la science des lois ou des constantes de la vie normale ne serait pas rigoureusement exact, pour deux raisons. D'abord parce que le concept de normal n'est pas un concept d'existence, susceptible en soi de mesure objective. Ensuite, parce que le pathologique doit être compris comme une espèce du normal, l'anormal n'étant pas ce qui n'est pas normal, mais ce qui est un autre normal. Cela ne veut pas dire que la physiologie n'est pas une science. Elle l'est authentiquement par sa recherche de constantes et d'invariants, par ses procédés métriques, par sa démarche analytique générale. Mais s'il est aisé de définir par sa méthode comment la physiologie est une science, il est moins aisé de définir par son objet de quoi elle est la science. La dirons-nous science des conditions de la santé ? Ce serait déjà, à notre avis, préférable à science des fonctions normales de la vie, puisque nous avons cru devoir distinguer l'état normal et la santé. Mais une difficulté subsiste. Quand on pense à l'objet d'une science, on pense à un objet stable, identique à soi. La matière et le mouvement, régis par l'inertie, donnent à cet égard toute garantie. Mais la vie ? N'est-elle pas évolution, variation de formes, invention de comportements ? Sa structure n'est-elle pas historique autant qu'histologique ? La physiologie pencherait alors vers l'histoire qui n'est pas, quoi qu'on fasse, science de la nature. Il est vrai qu'on peut n'être pas moins frappé du caractère de stabilité de la vie. Tout dépend en somme, pour définir la physiologie, de l'idée qu'on se fait de la santé.
― Georges Canguilhem