humeur du 03/08/2016
En 1774, la publication des « Souffrances du jeune Werther » a provoqué une épidémie de suicide en Allemagne. Cette première observation de contagion suicidaire a été nommée ‘effet Werther’.
Le phénomène de contagion culturelle est connu pour des pathologies comme l’anorexie, plus spécifique à certains environnements culturels ou religieux.
La biomédecine, plus apte à étudier les épidémies virales ou bactériennes, peut cependant expliquer certains des multiples facteurs des épidémies suicidaires.
Après des phases de maturation physique, cognitive et sexuelle, l’adolescence (plus ou moins prolongée), est une phase de vie, propre à sapiens, où domine la maturation sociale. Ce qui explique que les déterminants culturels dominent parfois les déterminants biologiques, jusqu’à mettre la vie en danger. C’est à l’adolescence que se révèlent la plupart des addictions et qu’apparaissent les premiers symptômes de maladies sociales telles que la schizophrénie. En génétique des populations, on nomme ‘effet fondateur’ la fréquence anormalement élevée d’une mutation dans un groupe humain, suite à l’isolement géographique de la population initiale. C’est le cas de la mucoviscidose dans certaines régions du Canada. Sur le versant culturel, le ‘biais de conformité’ est la fréquence élevée d’une conduite par imitation d’un modèle dominant ou très valorisé dans certains groupes sociaux. Ses effets dévastateurs possibles sur toute une société ont été étudiés par le biologiste et géographe Jared Diamond.
Le phénomène de mode et d’imitation a été bien établi dans l’épidémie de suicide de la première génération d’après-guerre en Micronésie : le suicide avait acquis une dimension culturelle chez les jeunes hommes de 15-24 ans.
Le taux de suicide des adolescents augmente de 7% dans la semaine qui suit une information ou un reportage télévisé sur le suicide en général ou celui d’une célébrité. Cependant, il ne faut pas accuser la presse de tous les maux, car dans les vagues locales de suicide par imitation, le cas initial n’avait été relaté dans la presse que dans 25% des études.
Malgré tout, la précision mercatique alliée à la puissance de diffusion des nouveaux médias est un facteur majeur. Le marketing sait s’adapter aux catégories sociales et aux phases de vie et se révèle aussi performant pour vendre le suicide djihadiste, Naf-naf, Star wars ou une Ferrari. Chez les adolescents ciblés, la performance cognitive joue un rôle. À 18 ans, chaque augmentation de score de 1 point dans des tests logiques diminue de 12% le risque de suicide, indépendamment du milieu socio-économique et des pathologies psychiatriques. Le suicide pourrait être vu comme une réponse aberrante face à un problème de ‘logique sociale’.
Enfin certains facteurs facilitent le passage à l’acte : les antidépresseurs, les amphétamines, et les ‘inévitables’ (et plus contestables) gènes de prédisposition (GRIA3 et GRIK2).
L’effet Werther est encore loin d’avoir livré tous ses secrets.
Batty GD et coll
Psychosis alters association between IQ and future risk of attempted suicide: cohort study of 1 109 475 Swedish men
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Effondrement: Comment les sociétés décident de leur disparition ou de leur survie
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Les souffrances du jeune werther
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Suicidality and aggression during antidepressant treatment: systematic review and meta-analyses based on clinical study reports
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Newspaper coverage of suicide and initiation of suicide clusters in teenagers in the USA, 1988—96: a retrospective, population-based, case-control study
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Low intelligence test scores in 18 year old men and risk of suicide: cohort study
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The increased use of antidepressants has contributed to the worldwide reduction in suicide rates
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Improving our understanding of youth suicide clusters
The Lancet Psychiatry, Volume 1, Issue 1, Pages 5 - 6, June 2014
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Rubinstein DH
Epidemic suicide among Micronesian adolescents
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Ce n'est pas seulement la théorie qui pose problème avec la psychanalyse. Les théories fausses peuvent toujours être jetées au panier si les méthodes sous-jacentes restent saines. La faillite la plus grave de la psychanalyse tient à son rejet éhonté de la méthode scientifique. Une discipline dépourvue de méthode pour s'autocritiquer et se rectifier dérive inévitablement d'un système de croyance pseudo-scientifique à un autre. Voilà, à mon avis, l'héritage le plus tragique que Freud nous ait laissé.
― Frank J. Sulloway