humeur du 30/12/2016
Une étude sociologique dans les usines électriques Hawthorne a été réalisée dans les années 1920 pour étudier différents facteurs susceptibles d’augmenter la productivité des ouvrières. Pour cela, les ateliers avaient été séparés en deux groupes, les uns où les conditions de travail avaient été améliorées, et les autres qui servaient de témoins.
Les expérimentateurs eurent la surprise de constater, d’une part, que la productivité augmentait aussi dans les ateliers témoins, et d’autre part, qu’elle ne diminuait pas lorsque les améliorations étaient supprimées en cours d’expérimentation.
Ainsi, les ouvrières étaient motivées par le seul fait de participer à l’expérience, soit par émulation, soit par une meilleure estime de soi.
Cet effet nommé « effet Hawthorne » est un biais de participation. Le seul fait de participer à une étude améliore les résultats indépendamment des facteurs concrets de l’expérimentation.
Dans les études cliniques, l’équivalent est le biais de consentement : donner son accord signé pour participer à un essai clinique modifie les résultats thérapeutiques. Ce biais de consentement vient s’ajouter à l’effet placebo usuel de tous les médicaments, mais il en diffère, car on le constate aussi dans de simples études observationnelles dépourvues de toute prescription. Par exemple, lors d’une enquête de suivi après un accident vasculaire, le groupe consentant était suivi par un questionnaire direct, le groupe non consentant était suivi par l’intermédiaire du médecin traitant (sans rompre le secret d’identité). On s’est rendu compte par la suite que la comparaison entre les deux groupes était impossible, car ils étaient très différents dès le départ. Ceux qui avaient donné leur consentement étaient moins gravement atteints. Ainsi, le fait d’accepter de participer à une étude peut être considéré comme une forme d’optimisme sur son propre cas, et le fait de refuser peut être une forme de conscience de la fatalité.
Cet effet Hawthorne et ces biais de consentement ont une importance majeure dans l’épistémologie de la médecine, puisqu’ils empêchent de connaître l’évolution naturelle des maladies. Il en est exactement de même pour l’évolution des bien-portants en cas d’intervention médicale préventive.
Ce fait prend beaucoup d’importance à une époque où les prescriptions aux bien-portants deviennent majoritaires. Quelle que soit notre opinion sur les risques ou les bienfaits de la pharmacologie préventive, nous n’aurons probablement jamais les moyens scientifiques de savoir si la médecine prolonge ou diminue la vie des bien-portants.
Réjouissons-nous tout de même de pouvoir vérifier qu’elle améliore la vie des malades.
Al-Shahi R, Vousden C, Warlow C
Bias from requiring explicit consent from all participants in observational research : prospective, population based study
BMJ. 2005 Oct 22;331(7522):942
DOI : 10.1136/bmj.38624.397569.68
Gillespie Richard
Manufacturing knowledge: a history of the Hawthorne experiments
Cambridge University Press. 1991
Ineptie des deux diabètes - Au début du XVIII° siècle, les progrès de la microscopie ont permis de découvrir et de [...]
Darwin avait prévu les morts nosocomiales - Dans les grandes villes du Moyen-Âge, les Hôtels-Dieu avaient charge d’accueillir les [...]
Savez-vous planter les choux ? - Les paroles souvent absconses des chansons enfantines proviennent de leur origine secrète. Les [...]
Masque ou voile mortuaire - Chaque année, dans le monde, 6 millions d’enfants meurent avant l’âge de 5 ans, dont la [...]
Très chères minutes de vie - En cancérologie de l’adulte, la chirurgie et la radiothérapie ont permis de prolonger la [...]
La psychanalyse s'est développée il y a un peu moins de cent ans en étroite connexion avec le mouvement scientifique de son époque. Il semble qu'elle se soit figée à la mort de Freud sans espoir de progression. Prôner perpétuellement le retour aux sources, excommunier les dissidents, refuser l'évaluation des résultats, ne pas utiliser les données de la pratique pour modifier la théorie sont des attitudes difficilement compatibles avec celles qui prévalent dans l'ensemble des sciences.
― Edouard Zarifian