humeur du 04/12/2017
Le « disease mongering » désigne le procédé mercatique consistant à inventer des maladies dans le but de vendre des médicaments aux personnes saines. Activité très lucrative en raison de la supériorité numérique des bien-portants.
Beaucoup de ces maladies sorties de l’imaginaire marchand concernent les femmes. La ménopause a été le premier grand succès de ces fantasmagories pathologiques. Hélas, son traitement a tant multiplié les cancers du sein qu’il a fallu recourir à des sous-catégories pour ne pas laisser échapper ce gros marché. La première a été l’ostéoporose post-ménopausique où s’est révélée l’inutilité de tous les traitements préventifs et curatifs, hors la marche régulière. La seconde est la baisse de libido post-ménopausique, dont la proposition thérapeutique est la testostérone : rien de moins ! Pas besoin d’être devin pour savoir que cette hormone mâle prescrite à des femmes provoquera des catastrophes sanitaires aux côtés desquelles la barbe et la moustache ne seront qu’inesthétiques broutilles.
La ménopause et ses avatars se révélant décidément rétifs, le marché a investi le cycle hormonal régulier des femmes, dont la plus repérable des ponctuations est le saignement régulier qui se produit tous les 28 jours. D’autres ponctuations sont plus discrètes, comme l’attractivité, la réceptivité sexuelle et le désir qui sont plus importants lors de l’ovulation. Trois traits qui ont permis d’assurer la perpétuation de notre espèce. Ces trois traits sont inversés dans la période prémenstruelle entièrement dédiée à préparer le réceptacle d’un éventuel embryon. Le changement d’humeur qui accompagne ces variations physiologiques est parfois repérable par le conjoint. De là est venue l’idée de traiter ces changements d’humeur comme une pathologie et de lui donner un nom : « trouble dysphorique prémenstruel ». Lequel est désormais classé comme un trouble dépressif dans le DSM5 (manuel de psychiatrie), et certains vont jusqu’à lui chercher une origine génétique. Trouver une origine génétique à la reproduction serait alors, sans humour, un argumentaire capable de justifier des traitements antidépresseurs et hormonaux !
En notre époque où le harcèlement des femmes est devenu un sujet majeur de société, comment pouvons-nous rester aussi aveugles à leur harcèlement itératif et insidieux par un marché habilement banalisé ?
Les femmes assurent depuis toujours l’essentiel du coût de la reproduction et des soins parentaux. Leurs humeurs cycliques sont une rémanence bien discrète du long processus évolutif qui nous a permis d’être là. Comment peut-on être dégénéré, cupide ou prétentieux au point de vouloir les infléchir ?
Beral V, Bull D, Green J, Reeves G, Million Women Study Collaborators
Ovarian cancer and hormone replacement therapy in the Million Women Study
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DOI : 10.1016/S0140-6736(07)60534-0
Davis SR, Moreau M, Kroll R, Bouchard C, Panay N, Gass M, Braunstein GD, Hirschberg AL, Rodenberg C, Pack S, Koch H, Moufarege A, Studd J; APHRODITE Study Team
Testosterone for low libido in postmenopausal women not taking estrogen
N Engl J Med. 2008 Nov 6;359(19):2005-17
DOI : 10.1056/NEJMoa0707302
Dubey N, Hoffman JF, Schuebel K, Yuan Q, Martinez PE, Nieman LK, Rubinow DR, Schmidt PJ, Goldman D
The ESC/E(Z) complex, an effector of response to ovarian steroids, manifests an intrinsic difference in cells from women with premenstrual dysphoric disorder
Mol Psychiatry. 2017 Aug;22(8):1172-1184
DOI : 10.1038/mp.2016.229
Manson JE, Chlebowski RT, Stefanick ML, Aragaki AK, Rossouw JE, Prentice RL, Anderson G, Howard BV, Thomson CA, LaCroix AZ, Wactawski-Wende J, Jackson RD, Limacher M,Simon MS, Van Horn L, Vitolins MZ, Wallace RB
Menopausal hormone therapy and health outcomes during the intervention and extended poststopping phases of the Women's Health Initiative randomized trials
JAMA. 2013 Oct 2;310(13):1353-68
DOI : 10.1001/jama.2013.278040
Strassmann BI
The evolution of endometrial cycles and menstruation
Q Rev Biol. 1996 Jun;71(2):181-220
Depuis quelques années, le problème de l'antibiorésistance, les progrès de la génomique, la redécouverte du microbiote et la prise en charge de maladies au long cours, nécessitent l'introduction d'une pensée évolutionniste dans la réflexion clinique.
Le premier diplôme universitaire intitulé "Biologie de l'évolution et médecine" a été mis en place à la faculté de Lyon en 2016.
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― René Char