humeur du 20/03/2018
Imaginons un médicament qui procure des effets indésirables à 5% des personnes qui le prennent. Imaginons que ce médicament diminue de 20% le risque à venir d’une maladie qui atteint 5% des personnes de plus de 60 ans.
En matière de risque sanitaire, il y a toujours deux façons de présenter les faits : la façon absolue et la façon relative.
Pour un effet secondaire désagréable, on parle de façon absolue : ce médicament provoque des incidents chez cinq patients sur cent. Dans ce cas précis, il est impossible de parler de manière relative, car le risque relatif d’incident augmente de façon infinie en passant de 0% à 5%. (Si un incident quelconque passait de 1% à 5%, son risque augmenterait relativement de 400% !).
Inversement, pour les effets bénéfiques, on préfère la façon relative, on ne dit pas que la maladie concernera 4% des personnes au lieu de 5%, on préfère dire que le risque de maladie diminue de 20%, ce qui est tout aussi vrai et beaucoup plus sympathique.
Continuons le raisonnement en prenant un échantillon de 1000 personnes saines auxquelles on donne ce médicament préventif d’une maladie potentielle. Il y en aura ainsi 40 qui feront la maladie au lieu de 50. Il faut donc traiter 100 personnes pour aider un patient.
Sur les milles personnes traitées, 50 auront des effets indésirables.
Il est tout de même beaucoup plus séduisant de dire que ce médicament diminue de 20% le risque d’une maladie et ne provoque que 5% d’effets indésirables que de dire qu’il faut nuire à 50 personnes pour en aider 10.
Imaginez enfin que l’effet indésirable soit grave et que la maladie soit simplement différée de quelques années, et non pas éliminée – ce qui après 60 ans est plutôt la règle – ; on aurait alors presque tous les ingrédients d’un scandale sanitaire, bien que l’on ait fourni que des chiffres exacts.
Avec les pourcentages, exact n’est pas synonyme d’honnête ; surtout lorsque l’on s’adresse au grand public avec des thèmes où l’émotion et l’affect perturbent la lucidité mathématique. Absolu ou relatif, il faut choisir. Mélanger les deux est une duperie.
Si l’effet indésirable n’était qu’une petite tache sur le bout d’un orteil et que la maladie concernée soit une mort subite, la confusion entre absolu et relatif serait moins grave, mais ce serait tout de même une tricherie.
Ah, les chiffres !
Transition du chirurgien esthétique - (Réflexions d’un médecin de gauche qui souffre après l'affaire Cahuzac...) [...]
Le seul tort des psychiatres - Les psychiatres qui font certainement leur métier avec empathie et humanité, doivent souffrir [...]
Interrogations sur le vaccin antigrippal - Lorsque les premières vaccinations antigrippales ont été mises sur le marché, j’avais été [...]
Légiférer sur le vivant est toujours arbitraire - Entre le plus petit des homo sapiens (120 cm) et le plus grand (240 cm), le rapport est de deux. [...]
Mais qui donc est prescripticide ? - Les lanceurs d’alerte ou redresseurs de torts doivent avoir plus de rigueur scientifique et [...]
Nous passons notre temps à juger le présent à l’aune du passé en reconstruisant intellectuellement la période passée, en s’en remettant au développement industriel et commercial croissant selon un temps orienté, continu, pour faire aimer l’avenir et rendre le présent tolérable.
― Didier Sicard