humeur du 28/09/2019
La psycho-immunologie est un nouveau domaine de recherche clinique et biologique en plein essor. Il s’agit de comprendre la nature des liens entre le système immunitaire et les maladies mentales.
Les cliniciens ont toujours observé des relations complexes entre, d’une part, maladies auto-immunes et infections à répétition, et d’autre part, dépressions et troubles de l’humeur. Ils en ont aujourd’hui la confirmation statistique. Il existe une parfaite relation de type dose-réponse entre le nombre d’épisodes infectieux sévères et le risque de schizophrénie. La même relation existe entre le nombre d’hospitalisations pour infection ou maladie auto-immune et le risque de troubles de l’humeur.
Malgré ces corrélations, il reste hasardeux de vouloir établir des causalités. Est-ce la dépression qui favorise les infections ? Est-ce la polyarthrite rhumatoïde qui favorise de façon compréhensible les troubles anxieux ? Est-ce l’inverse ? Ou encore, les deux types de morbidité résultent-ils d’une conjonction d’autres facteurs génétiques et environnementaux ?
Ce genre de question est récurrent en médecine clinique, on fait alors appel à la biologie. Celle-ci nous a déjà confirmé que le taux de cytokines pro-inflammatoires est plus élevé en cas de dépression, de comportements agressifs et dans la majorité des troubles mentaux. Ces résultats ne doivent pas nous faire perdre notre lucidité de clinicien face aux empressements thérapeutiques.
Il est trop tôt pour proposer des anti-inflammatoires à toutes les dépressions, comme certains se sont empressés de le faire après avoir constaté quelques améliorations passagères.
Même si le lien entre infections et schizophrénie peut s’expliquer par la présence d’autoanticorps cérébraux, il serait prématuré de traiter cette maladie avec des antibiotiques ou des immunosuppresseurs. Pourtant un dérivé mixte est déjà à l’étude, car il agirait à la fois sur les cellules gliales du cerveau et sur le microbiote intestinal.
D’autres vont jusqu’à proposer le dosage des autoanticorps pour diagnostiquer les dépressions. Ici l’enthousiasme confine au délire.
Plus lucidement : les maladies mentales augmentent en fréquence et en durée, cette réalité épidémiologique est un cuisant constat d’échec. Il en est de même pour les maladies auto-immune où mon ignorance globale n’a d’égale que celle des autres.
L’importance du marché dans le financement des études est devenue le talon d’Achille de la connaissance. Le but n’est plus d’intégrer de nouveaux niveaux de compréhension, mais de trouver rapidement une hypothèse réductionniste susceptible de faire valider un traitement. Donner des antiinflammatoires à tous les déprimés provoquera assurément des épidémies d’ulcère gastrique et d’insuffisance rénale.
Nos échecs pour les maladies mentales et auto-immunes doivent inciter à plus de prudence. Deux négatifs conduisent à un positif, mais je doute fort que cette mathématique s’applique aux sciences biomédicales.
Abdel-Ahad P, El Chammai M, Fneich A, Issa R, Kabbara W, Richa S
Psychiatric aspects of rheumatoid arthritis: Review of literature
Encephale. 2016 Apr;42(2):172-6
DOI : 10.1016/j.encep.2015.12.008
Ader R, Felten DL, Cohen N
Psychoneuroimmunology
4th edition, 2 volumes, Academic Press, (2006), (ISBN 0-12-088576-X)
Benros ME, Nielsen PR, Nordentoft M, Eaton WW, Dalton SO, Mortensen PB
Autoimmune diseases and severe infections as risk factors for schizophrenia: a 30-year population-based register study
Am J Psychiatry. 2011 Dec;168(12):1303-10
DOI : 10.1176/appi.ajp.2011.11030516
Benros ME, Waltoft BL, Nordentoft M, Østergaard SD, Eaton WW, Krogh J, Mortensen PB
Autoimmune Diseases and Severe Infections as Risk Factors for Mood Disorders. A Nationwide Study
JAMA Psychiatry. 2013;70(8):812-820
DOI : 10.1001/jamapsychiatry.2013.1111
Bienenstock J, Collins S
99th Dahlem conference on infection, inflammation and chronic inflammatory disorders: psycho-neuroimmunology and the intestinal microbiota: clinical observations and basic mechanisms
Clin Exp Immunol. 2010 Apr;160(1):85-91
DOI : 10.1111/j.1365-2249.2010.04124.x
Chen P, Jiang T, Ouyang J, Chen Y
Depression, another autoimmune disease from the view of autoantibodies
Med Hypotheses. 2009 Oct;73(4):508-9
DOI : 10.1016/j.mehy.2009.06.018
Coccaro EF, Lee R, Coussons-Read M
Elevated plasma inflammatory markers in individuals with intermittent explosive disorder and correlation with aggression in humans
JAMA Psychiatry. 2014 Feb;71(2):158-65
DOI : 10.1001/jamapsychiatry.2013.3297
Iseme RA, McEvoy M, Kelly B, Agnew L, Attia J, Walker FR, Oldmeadow C, Boyle M
Autoantibodies are not predictive markers for the development of depressive symptoms in a population-based cohort of older adults
Eur Psychiatry. 2015 Sep;30(6):694-700
DOI : 10.1016/j.eurpsy.2015.06.006
Kiecolt-Glaser JK, McGuire L, Robles TF, Glaser R
Psychoneuroimmunology and psychosomatic medicine: back to the future
Psychosom Med. 2002 Jan-Feb;64(1):15-28
Kivimäki M, Shipley MJ, Batty GD, Hamer M, Akbaraly TN, Kumari M, Jokela M, Virtanen M, Lowe GD, Ebmeier KP, Brunner EJ, Singh-manoux A
Long-term inflammation increases risk of common mental disorder: a cohort study
Mol Psychiatry. 2014 Feb; 19(2): 149–150
DOI : 10.1038/mp.2013.35
Köhler O, Benros ME, Nordentoft M, Farkouh ME, Iyengar RL, Mors O, Krogh J
Effect of anti-inflammatory treatment on depression, depressive symptoms, and adverse effects: a systematic review and meta-analysis of randomized clinical trials
JAMA Psychiatry. 2014 Dec 1;71(12):1381-91
DOI : 10.1001/jamapsychiatry.2014.1611
Setiawan E, Wilson AA, Mizrahi R, Rusjan PM, Miler L, Rajkowska G, Suridjan I, Kennedy JL, Rekkas PV, Houle S, Meyer JH
Role of translocator protein density, a marker of neuroinflammation, in the brain during major depressive episodes
JAMA Psychiatry. 2015 Mar;72(3):268-75
DOI : 10.1001/jamapsychiatry.2014.2427
Solomon GF, Moss RH
Emotions, immunity and disease : a speculative theoretical integration
Arch Gen Psychiatry. 1964 Dec;11:657-74
Sturgeon JA, Finan PH, Zautra AJ
Affective disturbance in rheumatoid arthritis: psychological and disease-related pathways
Nat Rev Rheumatol. 2016 Sep;12(9):532-42
DOI : 10.1038/nrrheum.2016.112
Depuis quelques années, le problème de l'antibiorésistance, les progrès de la génomique, la redécouverte du microbiote et la prise en charge de maladies au long cours, nécessitent l'introduction d'une pensée évolutionniste dans la réflexion clinique.
Le premier diplôme universitaire intitulé "Biologie de l'évolution et médecine" a été mis en place à la faculté de Lyon en 2016.
• Histoire : médecine, évolution et sélection naturelle : panorama historique • [...]
La mort est plurifactorielle, même en période de crise - Guerres, famines, épidémies ou chocs climatiques provoquent des pics de mortalité. Lors des [...]
Méfions-nous de la probité ! - « Laissons la justice suivre son cours… » Cette phrase est plus souvent prononcée par le [...]
Tapettes à mouches - Dans les années 1990, après avoir constaté la similitude entre la maladie de la vache folle [...]
Lettre à mes patientes porteuses de burqa - Madame, Je suis désolé de ne pas pouvoir accéder à votre requête [...]
Médecins acharnés ou sages - La loi Léonetti a tenté de limiter les pratiques dites d’acharnement thérapeutique et [...]