humeur du 07/10/2019
Après chaque tuerie barbare, se pose l’inévitable question de son lien avec le terrorisme islamiste. Chaque enquête commence par cette interrogation dont la réponse conditionne toutes les suites juridiques et sociopolitiques. Cela est compréhensible puisque le lien entre la radicalisation islamiste et la barbarie a été dûment établi par une longue succession de faits.
Cependant, aucune science, qu’elle soit sociale, biologique ou physique ne peut progresser en se contentant de rabâcher de vieilles corrélations. Les réflexions circulaires conduisent à des paradigmes qui finissent par ressembler à des dogmes. Il faut ouvrir de nouvelles portes.
Rechercher la motivation (prosélytisme, mission divine, radicalisation) des homicides barbares, c’est n’en traiter que l’aspect cognitif, en projetant notre rationalité d’observateur, de commentateur ou d’enquêteur sur l’auteur de l’homicide. C’est en négliger la barbarie, l’irrationalité, le délire, l’impulsivité, le caractère irrépressible, la folie suicidaire, autant d’aspects qui ne relèvent plus de processus cognitifs mais d’évènements neurophysiologiques.
Nous avons déjà de nombreuses données et de nouvelles pistes de recherche pour mieux comprendre ce phénomène. Les psychotropes et toutes les substances psychoactives sont connues depuis longtemps pour provoquer des actes « insensés » chez des personnes dont on semble se plaire à répéter que rien ne les y prédisposait.
La secte des islamistes haschischins est historiquement connue pour nous avoir fourni le mot « assassin ». Nous connaissons le rôle de l’alcool sur la témérité des poilus, l’usage de diverses drogues dans les grandes offensives militaires et celui des amphétamines dans les réseaux djihadistes. Le risque suicidaire des antidépresseurs est désormais bien documenté, comme le sont les homicides sous benzodiazépines, l’induction psychotique du cannabis, et les hallucinations de divers psychédéliques.
Dans le dernier attentat qui a fait 4 victimes, on sait même que l’assassin avait entendu des voix la veille de son acte. Etonnant non !
Pourtant, en écoutant les enquêteurs, en ouvrant les radios, en lisant les journaux, en écoutant les préfets et ministres, je n’ai jamais entendu parler de recherches sur la prise possible de psychotropes.
Lorsque l’on avait réalisé que plus de la moitié des accidents de la route étaient liés à l’alcool, on avait généralisé les éthylotests après chaque accident ou infraction. Nos données sur les liens entre substances psychoactives et barbaries sont aujourd’hui bien meilleures. Pourquoi aucune enquête ne commence par le dosage de ces substances ? Pourquoi aucun préfet ne le suggère, pourquoi aucun enquêteur ne semble même se poser la question ? Pourquoi aucun député n’a l’idée d’aborder ce thème ?
Un tel niveau de silence sur les psychotropes dépasse l’entendement. On ne peut plus parler de négligence ou d’ignorance, il faut presque parler d’omerta.
Bègue, L & Subra, B
Alcohol and Aggression: Perspectives on Controlled and Uncontrolled Social Information Processing
Social and Personality Psychology Compass, 2008, 2, 511-538
Costa SH, Yonamine M, Ramos AL, Oliveira FG, Rodrigues CR, da Cunha LC
Prevalence of psychotropic drug use in military police units
Cien Saude Colet. 2015 Jun;20(6):1843-9
DOI : 10.1590/1413-81232015206.00942014
Friedman RA, Michels R
How should the psychiatric profession respond to the recent mass killings?
Am J Psychiatry. 2013 May;170(5):455-8
DOI : 10.1176/appi.ajp.2013.13010045
Grann M, Fazel S
Substance misuse and violent crime: Swedish population study
BMJ 2004;328:1233
DOI : 10.1136/bmj.328.7450.1233
Heuclin Reffait M
Le captagon, une drogue au service du djihad
Libération, 2 juillet 2015
Hobkirk AL, Watt MH, Green KT, Beckham JC, Skinner D, Meade CS
Mediators of interpersonal violence and drug addiction severity among methamphetamine users in Cape Town, South Africa
Addict Behav. 2015 Mar;42:167-71
DOI : 10.1016/j.addbeh.2014.11.030
Hugnet G
Psychotropes. L'enquête
L'Archipel, 2012
Institut National des Hautes Etudes de la Sécurité et de la Justice (INHESJ)
Violences : l'influence des drogues et de l'alcool
Rapport 2012 de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales
Roger Lenglet
Psychotropes et tueries de masse
Actes Sud - 2019
Servies T, Hu Z, Eick-Cost A, Otto JL
Substance use disorders in the U.S. Armed Forces, 2000-2011
MSMR. 2012 Nov;19(11):11-6
Souaïdia H
La sale guerre
La Découverte 2001
Avant de débrancher l’IA - Les géants du numérique se lancent dans l’intelligence artificielle (IA) dont ils [...]
Homophobie contre-productive - Classiquement, en biologie, l’évolution des espèces opère au niveau individuel : les [...]
Vingt millions de douleurs - La fondation APICIL, dans l’un de ses derniers numéros (N°3, Oct 2009) met en exergue [...]
Des dépistages inutiles aux dépistages dangereux - La controverse sur les dépistages organisés des cancers ne cesse d’enfler. Après la [...]
Complexité de l'anthropopharmacologie - Régulièrement, différents indices de classement des pays sont publiés dans de grands [...]
Lithiase urinaire - I / Les mots et les faits Lithiase : ce mot vient du grec [...]
Allaitement maternel - I /Les mots et les faits Dans les pays riches, les mères ont le choix, dès la naissance, [...]
Viroses respiratoires et Covid-19 - Partie I : Généralités sur les virus Différence fondamentale entre virus et [...]
Anorexie mentale - I / Les mots et les faits Trouble de conduite alimentaire (TCA) : comportement alimentaire [...]
Rhume ou rhino-pharyngite - I / Les mots et les faits La rhinopharyngite est une maladie généralement virale, [...]