humeur du 17/08/2020
Les mesures d’hygiène sont la plus belle avancée sanitaire d’Homo sapiens, bien avant les vaccins et les antibiotiques. Le lavage des mains, la plus emblématique de ces mesures, a probablement épargné autant de vies que l’hygiène sexuelle ou alimentaire.
Profondément ancré dans toutes les cultures, ce lavage est, a minima, devenu rite ou réflexe. Il est parfois magnifié sous forme rituelle dans les religions ou exacerbé sous forme obsessionnelle dans certaines maladies psychiatriques.
C’est pour cela que les psychologues évolutionnistes s’y sont intéressés, et grâce à des expérimentations originales, ils ont constaté que ce rite anthropologique n’agit pas que sur les microbes, il agit aussi sur la conscience. Ils ont pu démontrer que le lavage des mains consolide les décisions et les choix personnels. Je suis toujours ébahi par l’ingéniosité et l’inventivité des expérimentateurs en matière de psychologie et de neurophysiologie, domaines où la preuve est particulièrement difficile.
On a proposé à 40 étudiants de choisir entre deux CD musicaux que l’on allait offrir à chacun d’entre eux. Puis, avant le choix définitif, on a proposé une deuxième expérience qui n’était en réalité qu’un prétexte. Au cours de ce leurre expérimental, la moitié des étudiants avait à se laver les mains, l’autre non.
Au moment de la remise du cadeau, on a demandé à chaque étudiant s’il confirmait ou non son premier choix, en lui laissant toute liberté de changer d’idée. Il est apparu que tous ceux qui s’étaient lavé les mains ont, confirmé leur choix initial, alors que la majorité des autres a opté pour un autre CD. Cette expérience a été reproductible en plusieurs circonstances, confirmant que le lavage des mains est une aide précieuse pour atténuer les dissonances cognitives inhérentes à toutes les décisions.
Le lavage des mains est une bonne façon de conforter ses choix et d’éviter les remises en cause de ses actions. L’expression « s’en laver les mains », pour signifier que l’on se débarrasse de sa culpabilité, n’est pas aussi péjorative qu’il y paraît. Ce lavage a fini par déborder la sphère physique pour empiéter progressivement la sphère morale en permettant de moins douter de soi-même.
Il n’est donc pas besoin d’attendre les épidémies pour se laver régulièrement les mains. N’oublions pas cependant que la négligence des jeunes enfants sur ce point est une subtile et judicieuse façon de développer leur système immunitaire. Sachant que ce système en début de vie est plus utile que les systèmes d’aide à la décision.
Dans la nature, il n’y a ni radicalité ni extrémisme, ses choix pragmatiques et incessamment relativisés nous incitent à toujours plus de modestie.
Lee SW, Schwarz N
Washing Away Postdecisional Dissonance
Science. 2010;328(5979):709
DOI : 10.1126/science.1186799
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A l'aide des sciences expérimentales actives, l'homme devient un inventeur de phénomènes, un véritable contremaître de la création; et l'on ne saurait, sous ce rapport, assigner de limites à la puissance qu'il peut acquérir sur la nature, par les progrès futurs des sciences expérimentales.
Maintenant reste la question de savoir si la médecine doit demeurer une science d'observation ou devenir une science expérimentale. Sans doute la médecine doit commencer par être une simple observation clinique. Ensuite, comme l'organisme forme par lui-même une unité harmonique, un petit monde (microcosme) contenu dans le grand monde (macrocosme), on a pu soutenir que la vie était indivisible et qu'on devait se borner à observer les phénomènes que nous offrent dans leur ensemble les organismes vivants sains et malades, et se contenter de raisonner sur les faits observés. Mais si l'on admet qu'il faille ainsi se limiter, et si l'on pose en principe que la médecine n'est qu'une science passive d'observation, le médecin ne devra pas plus toucher au corps humain que l'astronome ne touche aux planètes. Dès lors l'anatomie normale ou pathologique, les vivisections, appliquées à la physiologie, à la pathologie et à la thérapeutique, tout cela est complètement inutile. La médecine ainsi conçue ne peut conduire qu'à l'expectation et à des prescriptions hygiéniques plus ou moins utiles; mais c'est la négation d'une médecine active, c'est-à-dire d'une thérapeutique scientifique et réelle.
― Claude Bernard