humeur du 07/01/2022
En épidémiologie, l’effet moisson désigne la compensation qui suit un excédent de mortalité dû à un évènement extraordinaire tel que canicule, grand froid, pic de pollution ou épidémie. Si cet effet est important, cela signifie que l’essentiel de la mortalité a concerné des personnes fragiles qui seraient décédées quelques mois plus tard. On ne peut le mesurer qu’après le pic de mortalité, l’effet moisson est alors considéré comme d’autant plus important que le creux de mortalité est proche du pic en temps et en valeur.
On comprend aisément qu’il n’y a pas d’effet moisson après une guerre qui tue essentiellement des personnes jeunes. Cet effet a été faible après le smog de 1952 à Londres, laissant supposer que la surmortalité a concerné toutes les tranches d’âge. En revanche, il y a eu un important effet moisson en France après la grippe de 1957 et après la canicule de 2003. On le constate aussi après les surmortalités constatées en hiver dans tous les pays d’Europe, car le froid et les viroses saisonnières tuent plus volontiers les personnes âgées.
Si l’on raisonne en nombre d’années de vie perdues, les guerres et la pollution sont évidemment pires que les variations climatiques et les virus. Cela laisse supposer que si la santé publique, dans tous les pays, s’acharne avec tant d’obstination sur les virus, c’est possiblement pour compenser un sentiment de culpabilité lié à l’impossibilité d’agir sur les autres causes. Cela me rappelle l’histoire du type qui cherche ses clés sous un réverbère, bien qu’il les ait perdues ailleurs, car c’est là qu’il y a de la lumière.
Plus sérieusement, espérons que cette épidémie n’aura pas fait perdre trop d’années de vie, chacune d’elles étant si précieuse. Mais nous ne le saurons qu’après, car en science, les modélisations émotionnelles du futur sont toujours moins pertinentes que la froide analyse des faits passés.
Quant aux années/qualité de vie perdues par les jeunes adultes et les enfants, nous ne le saurons pas pour au moins trois raisons. La première est que le long terme n'intéresse pas les décideurs de la santé publique. La deuxième est que de telles études nécessitent des critères difficiles à définir. La troisième est que l'analyse des résultats est toujours beaucoup moins flamboyante que les polémiques qu'ils suscitent.
Nous ne saurons donc jamais combien d’années de vie ont été perdues, mais nous pourrons en avoir une première estimation après examen de la mortalité en 2022 et 2023. Pourrons-nous patienter un à deux ans pour avoir un résultat approximatif ?
Je n’ose même pas imaginer la variété des stupidités que les chaînes d’information continue vont devoir moissonner pour meubler tout ce temps.
Izraelewicz E
L'effet moisson : l'impact des catastrophes vies sur la mortalité à long terme
Bulletin français d'actuariat, Vol. 12, n° 24, juin – décembre 2012, pp. 113- 159
Papon S
Depuis plus d’un siècle, les décès sont les plus nombreux en hiver
INSEE Focus, N° 209, 16/10/2020
Perino L
Canicule et surmortalité
La recherche, N° 369, Novembre 2003
Valleron AJ, Boumendil A
Épidémiologie et canicules : analyses de la vague de chaleur 2003 en France
Comptes Rendus Biologies, Volume 327, Issue 12, December 2004, Pages 1125-1141
DOI : 10.1016/j.crvi.2004.09.009
Depuis quelques années, le problème de l'antibiorésistance, les progrès de la génomique, la redécouverte du microbiote et la prise en charge de maladies au long cours, nécessitent l'introduction d'une pensée évolutionniste dans la réflexion clinique.
Le premier diplôme universitaire intitulé "Biologie de l'évolution et médecine" a été mis en place à la faculté de Lyon en 2016.
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Les étrangers basanés font rien qu’à nous empêcher de dormir en vidant bruyamment nos poubelles dès l’aube alors que, tous les médecins vous le diront, le Blanc a besoin de sommeil…
― Pierre Desproges