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Maladies coronaires et fertilité : exemple de pléiotropie antagoniste

dernière mise à jour le 18/10/2022

Un trait monogénique est une particularité morphologique ou physiologique qui dépend d’un seul gène ou pool génique. Une maladie est dite monogénique lorsqu’elle dépend d’une mutation pathogène sur un seul gène, comme la mucoviscidose ou la maladie de Huntington.  

Inversement, un trait ou une maladie sont dits polygéniques lorsqu’ils sont soumis à des variations sur un grand nombre de gènes. Ces gènes sont évidemment plus difficiles à identifier. Pour cela il faut établir des corrélations statistiques sur un grand nombre de génomes.

Cette étude a recherché les signaux de sélection polygénique des maladies coronaires (coronaropathies) telles que l’infarctus du myocarde. Tous les locus et gènes trouvés sont associés de manière unique et cohérente à de nombreux traits reproducteurs masculins et féminins.

Cela suggère que la sélection pourrait les avoir ciblés en raison de leurs effets directs sur la forme physique. Il y a ainsi un antagonisme entre le succès reproducteur dans la jeunesse et le risque de coronaropathie à des âges plus avancés.

Un gène est pléiotrope lorsqu’il a plusieurs fonctions parfois très différentes. On parle de pléiotropie antagoniste lorsque des gènes semblent favorables pour une fonction et défavorables pour d’autres. Cet antagonisme s’exerce dans le temps.

Il apparait que plusieurs gènes favorables à la reproduction chez les femmes et hommes jeunes, se montrent ensuite défavorables pour le risque de maladies cardio-vasculaires.

Cette étude fournit une nouvelle approche pour détecter la sélection sur les traits polygéniques et la preuve que les génomes humains modernes ont évolué en réponse aux pressions de sélection positive sur des traits de début de vie partageant des liens pléiotropes avec les coronaropathies.

L'une des questions fondamentales sur la coronaropathie - dont la progression commence chez les jeunes adultes avec une accumulation de plaque artérielle entraînant des conséquences potentiellement mortelles plus tard dans la vie - est de savoir pourquoi la sélection naturelle n'a pas supprimé ou réduit cette maladie coûteuse.

Cette étude fournit de nouvelles preuves que les gènes sous-jacents aux coronaropathies ont récemment été modifiés par la sélection naturelle et que ces mêmes gènes contribuent de manière unique et extensive à la reproduction humaine, ce qui suggère que la sélection naturelle pourrait avoir maintenu la variation génétique contribuant aux maladies coronaires en raison de ses effets bénéfiques sur la forme physique et la reproduction.

Il s’agit d’un bel exemple de pléiotropie antagoniste entre maladies coronaires et fertilité.

Bibliographie

Byars SG, Huang QQ, Gray LA, Bakshi A, Ripatti S, Abraham G, Stearns SC, Inouye M
Genetic loci associated with coronary artery disease harbor evidence of selection and antagonistic pleiotropy
PLoS Genet. 2017 Jun 22;13(6):e1006328
DOI : 10.1371/journal.pgen.1006328

Médecine évolutionniste (ou darwinienne)

Depuis quelques années, le problème de l'antibiorésistance, les progrès de la génomique, la redécouverte du microbiote et la prise en charge de maladies au long cours, nécessitent l'introduction d'une pensée évolutionniste dans la réflexion clinique

Le premier diplôme universitaire intitulé "Biologie de l'évolution et médecine" a été mis en place à la faculté de Lyon. Voir ICI

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La phrase biomédicale aléatoire

Il apparaît que définir la physiologie comme la science des lois ou des constantes de la vie normale ne serait pas rigoureusement exact, pour deux raisons. D'abord parce que le concept de normal n'est pas un concept d'existence, susceptible en soi de mesure objective. Ensuite, parce que le pathologique doit être compris comme une espèce du normal, l'anormal n'étant pas ce qui n'est pas normal, mais ce qui est un autre normal. Cela ne veut pas dire que la physiologie n'est pas une science. Elle l'est authentiquement par sa recherche de constantes et d'invariants, par ses procédés métriques, par sa démarche analytique générale. Mais s'il est aisé de définir par sa méthode comment la physiologie est une science, il est moins aisé de définir par son objet de quoi elle est la science. La dirons-nous science des conditions de la santé ? Ce serait déjà, à notre avis, préférable à science des fonctions normales de la vie, puisque nous avons cru devoir distinguer l'état normal et la santé. Mais une difficulté subsiste. Quand on pense à l'objet d'une science, on pense à un objet stable, identique à soi. La matière et le mouvement, régis par l'inertie, donnent à cet égard toute garantie. Mais la vie ? N'est-elle pas évolution, variation de formes, invention de comportements ? Sa structure n'est-elle pas historique autant qu'histologique ? La physiologie pencherait alors vers l'histoire qui n'est pas, quoi qu'on fasse, science de la nature. Il est vrai qu'on peut n'être pas moins frappé du caractère de stabilité de la vie. Tout dépend en somme, pour définir la physiologie, de l'idée qu'on se fait de la santé.
― Georges Canguilhem

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