humeur du 09/02/2024
Les panacées sont définies comme des médicaments pouvant tout guérir. L’Histoire en regorge : centaurée, thériaque, ginseng, snake-oil et poudre de sympathie sont les plus célèbres. Mais leur commerce était fort peu lucratif, faute de business plan.
La thériaque contenait plus de cent substances destinées à soigner tous les maux, mais elle contenait surtout une bonne dose d’opium. Les pharmaciens qui la distribuaient à la louche n’avaient pas encore compris tout l’argent que pouvait faire gagner l’addiction aux opiacés. La poudre de sympathie guérissait toutes les plaies, hélas, elle pouvait guérir à distance, ce qui n’était pas favorable au commerce. La snake-oil garantissait la vie éternelle à tous les conquérants du far-west, mais les docteurs camelots la bradaient bien souvent.
Jusque dans les années 1980, les Européens ont été les seuls à fabriquer les vaccins qui sauvaient des millions de vies. Mais leur prix dérisoire n’attirait ni les marchands ni les actionnaires. Lorsque les Américains s’y sont intéressés, leur prix a été multiplié par dix ou cent pour le même service rendu. Les Etats-Unis ont véritablement sauvé l’honneur du marché de la santé. Les camelots sont devenus experts de mercatique, les pharmaciens ont compris l’addiction, les boniments se sont parés de science diagnostique et les louches d’opium sont devenues des gélules bicolores.
A la fin du XIXe siècle, la cocaïne a été promue comme anesthésique, mais aussi pour soigner le mal de mer, la dyspepsie, l’asthme, la cachexie, l’impuissance, l’alcoolisme, la timidité, l’hystérie, la neurasthénie et la morphinomanie. Freud en a été un promoteur enthousiaste.
En 1950 le premier neuroleptique, le Largactil® a été proposé dans l’alcoolisme, l’anxiété, l’asthme, les troubles du comportement de l’enfant, le hoquet, les vomissements, l’ulcère gastrique, la ménopause, le psoriasis, la phobie du cancer, l’agitation, la sénilité, l’apathie, les manies, l’agressivité, les déficiences mentales, le stress, les délires, sans oublier toutes les douleurs.
À la fin du XXe siècle, un autre neuroleptique, le Zyprexa® a profité sans vergogne de cet engouement pour la psychiatrie, eldorado des pharmacologues. Il été validé contre la schizophrénie, troubles schizo-affectifs et personnalités schizotypiques, mais il a aussi été promu dans le trouble bipolaire, les psychoses du Parkinson et de la sénilité, la dépression unipolaire, les dysthymies, les toxicomanies et syndromes de sevrage, l’anxiété, les personnalité borderline, l’agressivité, l’anorexie, les mouvements involontaires, l’autisme, le TDAH, la boulimie, les troubles musculosquelettiques, les dysfonctions sexuelles, les troubles somatomorphes, les troubles vestibulaires, les nausées et vomissements, et bien évidemment toutes les douleurs.
Les camelots avaient transformé les placebos en panacées et la psychiatrie a transformé les panacées en blockbusters. Le cerveau est l’organe le plus facile à corrompre, dans tous les sens du terme.
Borch-Jacobsen et al
Big Pharma : une industrie toute-puissante qui joue avec notre santé
Les arènes 2013
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The changing face of heroin use in the United States : a retrospective analysis of the past 50 years
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Facing up to the prescription opioid crisis
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La poudre de sympathie : une potion magique ?
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Getting to yes : Corporate power and the creation of a psychopharmaceutical blockbuster
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Teyssou Roger
Quatre siècles de thérapeutique médicale du XVI° au XIX° siècle
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Analgesic use : a predictor of chronic pain and medication overuse headache :the Head-HUNT study
Neurology 2003 Jul 22 61 2 160 4
Par catégorie professionnelle | |
Médecins | 27% |
Professions de santé | 33% |
Sciences de la vie et de la terre | 8% |
Sciences humaines et sociales | 12% |
Autres sciences et techniques | 4% |
Administration, services et tertiaires | 11% |
Economie, commerce, industrie | 1% |
Médias et communication | 3% |
Art et artisanat | 1% |
Par tranches d'âge | |
Plus de 70 ans | 14% |
de 50 à 70 ans | 53% |
de 30 à 50 ans | 29% |
moins de 30 ans | 4% |
Par motivation | |
Patients | 5% |
Proche ou association de patients | 3% |
Thèse ou études en cours | 4% |
Intérêt professionnel | 65% |
Simple curiosité | 23% |
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C'est bien l'une des grandes difficultés de l'exercice médical, être soignant sans être censeur, soigner le bronchitique sans critiquer le fumeur, l’obèse sans blâmer le gourmand, le gonorrhéique sans damner le coquin.
― Luc Perino