humeur du 15/10/2013
Chaque année, au mois d’octobre, le cancer du sein est remis à l’honneur par les médias. C’est aussi l’occasion pour médecins et épidémiologistes de réévaluer les résultats de son dépistage « organisé », c'est-à-dire issu d'une action de santé publique vers une population a priori en bonne santé. Ce type de dépistage ne doit pas être confondu avec le dépistage ciblé, qui concerne une population sélectionnée sur plusieurs critères précis.
Hélas, les études sur les dépistages dits « de masse » sont difficiles à interpréter, car les idéologies, les émotions et les questions existentielles y sont des éléments perturbateurs très tenaces, aussi bien chez leurs détracteurs que chez leurs promoteurs. Les chiffres présentent des écarts parfois importants d’une étude à l’autre.
Pour les plus ardents promoteurs, ce dépistage bénéficie à une patiente sur 600 dépistées.
Pour les plus farouches opposants, ce dépistage bénéficie à une patiente sur 2000.
La vérité doit logiquement se situer quelque part entre les deux.
Les premières recherches n’étudiaient que les bénéfices possibles, car nul ne pensait qu’il pût y avoir des risques. Lorsque l’éventualité de surdiagnostics et de surtraitements a été envisagée, certaines études ont inclus le calcul des nuisances et risques éventuels, et ont obtenu des écarts encore plus grands.
Pour les partisans, le surdiagnostic concerne 10% des femmes dépistées positives.
Pour les détracteurs, le surdiagnostic concerne 50% des femmes dépistées positives.
Le nombre de dépistage positifs étant environ de 10 pour mille, nous pouvons ainsi présenter cette gamme de résultats de façon impartiale à chacune de nos patientes :
- "Madame, ce dépistage vous sera utile entre 0,5 et 1,6 fois sur mille, et il vous sera nuisible entre 1 et 5 fois sur mille."
Selon leur « sensibilité », certains médecins préféreront une formulation inverse :
- "Madame, ce dépistage vous sera inutile entre 998,4 et 999,5 fois sur mille, et il sera sans risque entre 995 et 999 fois sur mille."
Dans tous les cas, les nuisances sont supérieures au bénéfice.
Il faudrait ajouter à cela le nombre – probablement faible – de cancers induits par la mammographie ou les radiothérapies, mais nous n'avons trouvé aucune étude sérieuse les précisant. Considérons donc le surdiagnostic comme la seule nuisance. Cette nuisance étant définie par la réalité d’un cancer psychologiquement vécu comme réel, avec un rythme variable d’interventions, traitements et examens de contrôles ultérieurs pour le reste de la vie.
Les présentations peuvent évidemment être moins brutales, mais toutes deux ont le mérite de répondre aux exigences médicales que sont « l’information éclairée » et la conformité avec les « données actuelles de la science ».
Une enquête de janvier 2013* confirme que la plupart des femmes qui se font dépister ignorent la possibilité de surdiagnostics et de surtraitements, ou en négligent l’impact. En outre, nombreuses sont celles qui pensent que ces études ont pour but de supprimer le financement du dépistage !
Il faut en conclure qu’aucun des deux camps n’a été capable, à ce jour, de maîtriser « l’information éclairée » sur ce dépistage « de masse ».
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