humeur du 31/12/2020
L’Histoire des sciences de l’évolution cite toujours l’impétueux Lamarck et le méticuleux Darwin, mais elle oublie souvent le pragmatique Buffon, véritable précurseur de la modernité dans les sciences de la vie et de la terre. Premier naturaliste à oser affirmer que les espèces se transformaient, il est aussi celui qui les a définies selon le critère unique de réussite de la reproduction. La définition d’une espèce comme un ensemble d’individus interféconds est toujours d’actualité. Écologue, avant l’heure, il a noté le rôle des oiseaux dans la dispersion des graines.
Buffon était convaincu que la Terre ne s’était pas transformée par une suite de catastrophes géologiques, comme on le croyait alors, mais que sa transformation était lente et graduelle. Il a suggéré, le premier, une possible dislocation et dérive des continents. Comme il possédait une forge, il a évalué l’âge de la Terre à près d’un milliard d’années, en extrapolant à partir du temps de refroidissement d’une boule de métal chauffé au rouge. Pour lui, le temps était le « grand ouvrier de la Nature ». Mais, pour la Monarchie et l’Église, l’âge officiel de la Terre était de 6000 ans, il n’osa donc pas publier ses travaux par crainte de perdre les subsides de ses protecteurs conservateurs et religieux.
Son plus grand talent a été celui de vulgarisateur. Ses 36 volumes de l’Histoire naturelle sont incontestablement le premier grand ouvrage de vulgarisation. Ses pairs lui ont reproché d’avoir trop voulu plaire au grand public. Il en est ainsi de certains chercheurs qui confondent rigueur et austérité. C’est pourtant grâce à Buffon que sont nées de nombreuses vocations de chercheurs et que les souverains du monde entier ont financé le Muséum d’Histoire naturelle de Paris dont il fit le plus beau musée de son époque et le plus dynamique centre d’enseignement et de recherche en sciences de la vie.
Sa seule « erreur » a été de refuser une quelconque parenté entre l’Homme et les animaux. Il a pourtant enfreint cette règle au moins une fois d’une amusante manière. Ruiné par le gestionnaire de sa forge, il dut passer par des bailleurs de fonds pour financer ses recherches. L’un d’entre eux, un soyeux lyonnais, nommé Babouin, lui intenta un procès pour le remboursement de ses créances. Il s’est vengé dans la rédaction de son Histoire naturelle, en donnant le nom de « babouin » au singe cynocéphale que chacun connait, et il en fit une description abominable. Les naturalistes ignoraient alors la pratique de l’infanticide chez certains mammifères et primates. Or le babouin est l’une des espèces ou l’infanticide pour soumettre les femelles est un comportement fréquent. Si Buffon l’avait su, ne doutons pas que sa description eut été encore plus abominable.
Comme les croyances religieuses ou les soumissions politiques, les problèmes financiers peuvent pervertir la science. Buffon, qui refusait toute ascendance commune entrehommes et singes, a fait descendre le babouin d’un soyeux lyonnais !
Depuis quelques années, le problème de l'antibiorésistance, les progrès de la génomique, la redécouverte du microbiote et la prise en charge de maladies au long cours, nécessitent l'introduction d'une pensée évolutionniste dans la réflexion clinique.
Le premier diplôme universitaire intitulé "Biologie de l'évolution et médecine" a été mis en place à la faculté de Lyon en 2016.
Lorsque tropique - Le paludisme a disparu de Camargue et de Corse dans les années 1950. Aujourd’hui, les rares [...]
Pharmacologie du suicide - La dépression est une entité médicale qui n’a jamais obtenu de définition satisfaisante. [...]
Milgram, cancer et contagion normative - La télévision vient de remettre au goût du jour les fameuses expériences de Milgram [...]
Que sera l'histoire de la médecine ? - Le travail des historiens de la médecine consiste à identifier les grandes découvertes qui [...]
Gestation pour autrui : dernières affres du "tout génétique" - Le sujet des mères porteuses est très médiatique, car il ressasse l’impossibilité de choisir [...]
Un médecin doit s'assurer que la science et l'empathie progressent à même allure.
― Luc Perino