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Tour de France moléculaire

humeur du 05/07/2025

Chaque année, le tour de France cycliste lance un concours international de médecine moléculaire. Pendant longtemps, cette compétition a été un championnat de pharmacologie. C’était après l’époque des pionniers qui soignaient eux-mêmes leurs vélos et leurs contractions musculaires, et avant que des tests permettent de déceler les dopants usuels. Les contrôles anti-doping ont stimulé la recherche, il fallait utiliser des molécules qui n’étaient pas décelable par les tests diagnostiques. EPO, stéroïdiens et anabolisants ont été les molécules les plus utilisées par les coureurs jusqu’à ce que les progrès du diagnostic moléculaire permettent de tous les détecter. D’autres dopages au méthylphénidate, à l’hormone de croissance ou aux beta2-stimulants ont été plus difficiles à confirmer, entraînant une véritable course aux armements entre les pharmacologues et les concepteurs de tests diagnostiques. La lutte anti-dopage ressemble à celle de la reine rouge d’Orwell qui est obligée de courir de plus en plus vite pour rester toujours à la même place. Aujourd’hui, le dopage génétique est strictement indétectable.

Mais les amateurs de cyclisme ne s’intéressent pas à cette compétition moléculaire dont les résultats sont toujours contestables, quant aux cyclistes, ils ne s’intéressent pas à leur avenir sanitaire à moyen ou long terme. Seul compte le résultat de l’étape du jour.  

Lorsque les dosages chimiques divisent les expert, on peut se fier à l’épidémiologie qui montre qu’avant 1939, l'espérance de vie des coureurs du tour était de 75 ans contre 60 ans pour les autres Français et qu’en 2006, les chiffres étaient strictement inverses. D’autres études montrent que la mortalité toutes causes confondues est moindre chez les sportifs, mais que chez les sportifs de haut-niveau, elle devient identique à celle des sédentaires. Le sport est excellent pour la santé, la performance l’est beaucoup moins : preuve indirecte des grands progrès de la médecine moléculaire.

D’ailleurs, en fin de course (si l’on peut s’exprimer ainsi), c’est toujours elle qui gagne. Le chiffre d’affaires des industries du diagnostic est en train de rattraper celui des industries du médicament. Il n’est plus une fièvre qui échappe à un test de sérologie virale, plus un ronflement qui échappe à une polysomnographie, plus un éternuement qui échappe au dosage des immunoglobulines.  Cette course de la reine rouge est aussi l’occasion de très profitables symbioses dont la cancérologie est particulièrement friande. Plusieurs de mes amis anatomo-pathologistes s’interrogent avec inquiétude de devoir passer plus de temps à tester l’effet d’une nouvelle thérapie ciblée sur une cellule qu’à élaborer des diagnostics de précision. La médecine moléculaire étant toujours contestable, en cancérologie comme ailleurs, on peut se tourner encore vers l’épidémiologie...

Hélas, malgré nos prouesses moléculaires, l’épidémiologie des cancers est si déprimante que je préfère me contenter du résultat de l’étape du jour.

Bibliographie

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Dominique Thibaud
Tous dopés ! Les amateurs encore plus que les professionnels !
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Stéphane Mandard
Le tour de France nuit gravement à la santé
Le Monde 18 juin 2009

Stéphane Mandard
Dopage : Le danger de mort
Le Monde 30 sept 2006

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