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Soignants ou migrants

humeur du 06/10/2025

Les dépenses annuelles de santé de notre pays représentent environ 350 milliards € (12% du PIB) soit 5200 € par habitant. Les trente millions de personnes actives contribuent donc chacune à hauteur de 1000 € par mois à cette dépense, soit 28% du salaire brut moyen. Parmi elles, deux millions de personnes travaillent dans le secteur de la santé, contribuant à la fois aux dépenses et aux recettes.

Face à ces chiffres difficilement crédibles, d’autres le paraissent encore plus. Les déserts médicaux sont de plus en plus nombreux, les hôpitaux manquent de personnel soignant, le secteur de la psychiatrie étant celui où l’on ne cesse de dénoncer les manques les plus cruels.

Aucun gouvernement de droite ou de gauche n’a su limiter les dépenses, mais tous ont subi les reproches de leur inefficacité. C’est évidemment le sujet favori des partis d’opposition qui subissent à leur tour le reproche quand ils sont dans la majorité. Il y a une justice. Même la Sécurité Sociale n’arrive plus à jouer le rôle de pacificatrice sociale et politique qu’elle a tenu, bon an mal an, pendant 80 ans.

Plus un problème est insoluble, plus il est chéri des médias dont la vocation est de répandre l’huile sur le feu, car la discorde a toujours été un sujet très vendeur. Pour paraphraser Coluche, elle ne se vendrait pas s’il n’y avait pas d’acheteur. Le thème des « aidants » est un nouveau sujet rajoutant de l’huile aux réserves des pyromanes, car son insolubilité semble encore supérieure.

Les aidants qui consacrent une bonne part de leur temps à s’occuper d’un enfant ou adulte handicapé méritent toute notre compassion – je me sens déjà coupable de les mentionner dans une chronique quelque peu ironique. Ces aidants dont le nombre est estimé à un million, éprouvent parfois divers troubles psychiques, ce que l’on comprend aisément. Ils semblent en souffrir plus que leurs concitoyens dont on ne cesse de répéter qu’ils en souffrent déjà beaucoup.

Pour remédier à ce nouveau drame social, il a été proposé de créer une consultation psychiatrique dédiée aux aidants. Créer une nouvelle spécialité dans une discipline qui en compte déjà des centaines peut prêter à sourire ; mais comme l’intention est louable, je veux absolument considérer cette proposition comme recevable...

Il nous reste à trouver de nouveaux soignants pour ce nouvel afflux de patients, de nouveaux administrateurs pour la structure dédiée à ce problème, et de nouvelles ressources financières pour rembourser les arrêts-maladies que la miséricorde rendra légitimes. Oui, oui, il faut au moins tout cela pour échapper à l’opprobre.

Espérons qu’après cela, notre pays disposera d’encore assez de ressources et de personnel pour planter des pommes de terre, fabriquer du mortier, récurer les canalisations, garder les prisons et trier les déchets, sinon il faudra ouvrir en grand la porte à l’immigration : un autre sujet chéri pour son insolubilité.

Il n’y aura pourtant pas à choisir : plus de soignants imposera toujours plus migrants.

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