lucperino.com

Critères de Hill

humeur du 23/11/2025

L’étude de Doll et Hill en 1950 a établi le lien entre le tabac et le cancer du poumon. Les cigarettiers ont instillé le doute pendant quinze ans en utilisant les moyens les plus machiavéliques pour faire croire que cette association était une corrélation et non une causalité. Hill a réagi en 1965 en établissant la liste des neuf critères qui portent son nom. Ces « critères de Hill » permettent d’établir la preuve d’une causalité dans l’association de deux faits.

  1. Force : l'association doit être forte. Ex : la fréquence de l’obésité est plus forte chez les mangeurs de sucre.
  2. Stabilité : l’association doit être confirmée dans le temps et l’espace. Ex : le tabac tue toujours autant et il tue aussi les Papous.
  3. Cohérence : l'association est conforme aux connaissances. Ex : si on trouve une nouvelle relation entre la maltraitance infantile et un trouble psychique, la causalité est certaine en raison des connaissances déjà acquises.
  4. Spécificité : le facteur d’association doit être évident. Ex : si la natalité baisse parallèlement au nombre de cigognes, il s’agit d’une corrélation et non d’une causalité.
  5. Temporalité : les causes doivent précéder les conséquences. Ex : la fonte des glaces à la fin du pléistocène n’est pas due à la révolution industrielle.
  6. Gradualité : relation dose-effet. Ex : plus la vitesse est limitée, plus la mortalité routière diminue. Ou encore : plus tu pédales fort, plus tu vas vite.
  7. Plausibilité : lorsque les mécanismes sont explicables. Ex : le réchauffement climatique après la révolution industrielle est explicable par l’effet de serre.
  8. Preuve expérimentale. Certaines expériences (maltraitance, vitesse ou tabagisme) sont éthiquement irréalisables. On peut cependant se passer d’expérimentation pour affirmer que l’augmentation synchrone des impôts et de la température est une corrélation. Il pourrait y avoir un brin de causalité si les impôts ont servi majoritairement à l’industrialisation. Et si dans notre pays, ils ont servi essentiellement au secteur tertiaire, la France ne suffit pas à remplir le critère N° 2.
  9. Analogie : ressemblance avec un autre facteur causal ayant le même effet. Si une étude montre un lien entre le cigare et le cancer du poumon, elle n’a pas besoin d’une grande puissance statistique pour affirmer la causalité, en raison de l’analogie entre cigare et cigarette.

Il n’est donc pas nécessaire de cocher les 9 cases pour affirmer une causalité, le bon sens peut suffire à remplacer les cases manquantes.

Le comportement des marchands de doute devant les résultats d’une étude est un exemple parfait de causalité. Lorsque l’étude conforte leurs intérêts, une case cochée leur suffit ; dans le cas contraire, ils exigent que les 9 cases soient cochées. Ex : les pesticides ne sont pas dangereux, car il manque des cases, mais les antidépresseurs sont efficaces, car la case N° 7 est facile à cocher avec une théorie sur la sérotonine.

Monsieur Hill est décédé en 1991. Qu’il repose tout de même en paix

 

Bibliographie

Doll R, Hill AB
The mortality of doctors in relation to their smoking habits: a preliminary report
Br Med J. 1954 Jun 26;1(4877):1451-5
DOI : 10.1136/bmj.1.4877.1451

Doll R, Hill AB
Smoking and carcinoma of the lung: preliminary report
Br Med J. 1950 Sep 30;2(4682):739-48
DOI : 10.1136/bmj.2.4682.739

Hill AB
The environment and disease : association or causation ?
Proc R Soc Med. 1965 May;58(5):295-300
DOI : 10.1177/003591576505800503

Moncrieff J, Cooper RE, Stockmann T, Amendola S, Hengartner MP, Horowitz MA
The serotonin theory of depression: a systematic umbrella review of the evidence
Mol Psychiatry 28, 3243–3256 (2023)
DOI : 10.1038/s41380-022-01661-0

Slama R, Bourguignon JP, Demeneix B, Ivell R, Panzica G, Kortenkamp A, Zoeller RT
Scientific Issues Relevant to Setting Regulatory Criteria to Identify Endocrine-Disrupting Substances in the European Union
Environ Health Perspect. 2016 Oct;124(10):1497-1503
DOI : 10.1289/EHP217

Profil de nos 5000 abonnés

Par catégorie professionnelle
Médecins 27%
Professions de santé 33%
Sciences de la vie et de la terre 8%
Sciences humaines et sociales 12%
Autres sciences et techniques 4%
Administration, services et tertiaires 11%
Economie, commerce, industrie 1%
Médias et communication 3%
Art et artisanat 1%
Par tranches d'âge
Plus de 70 ans 14%
de 50 à 70 ans 53%
de 30 à 50 ans 29%
moins de 30 ans  4%
Par motivation
Patients 5%
Proche ou association de patients 3%
Thèse ou études en cours 4%
Intérêt professionnel 65%
Simple curiosité 23%

Vous aimerez aussi ces humeurs...

Inaptitude chronique au diagnostic - Lorsque, dans un grand média, un article fait le point sur une maladie, il commence [...]

Vioxx, Mediator, Sibutral et baisse des impôts - Lorsqu’une classe pharmaceutique existe, les nouveaux médicaments qui arrivent sur ce marché [...]

Les mâles et l'accouchement - Les femmes ont été les seules gestionnaires des accouchements jusqu’au milieu du XVIII° [...]

Vieux contre jeunes - De vieux militaires de la junte birmane oppriment leur jeunesse pendant que des ayatollahs [...]

La science prise en grippe - Comme chaque année, l’assurance-maladie envoie les documents de prise en charge gratuite du [...]

La phrase biomédicale aléatoire

A l'aide des sciences expérimentales actives, l'homme devient un inventeur de phénomènes, un véritable contremaître de la création; et l'on ne saurait, sous ce rapport, assigner de limites à la puissance qu'il peut acquérir sur la nature, par les progrès futurs des sciences expérimentales. Maintenant reste la question de savoir si la médecine doit demeurer une science d'observation ou devenir une science expérimentale. Sans doute la médecine doit commencer par être une simple observation clinique. Ensuite, comme l'organisme forme par lui-même une unité harmonique, un petit monde (microcosme) contenu dans le grand monde (macrocosme), on a pu soutenir que la vie était indivisible et qu'on devait se borner à observer les phénomènes que nous offrent dans leur ensemble les organismes vivants sains et malades, et se contenter de raisonner sur les faits observés. Mais si l'on admet qu'il faille ainsi se limiter, et si l'on pose en principe que la médecine n'est qu'une science passive d'observation, le médecin ne devra pas plus toucher au corps humain que l'astronome ne touche aux planètes. Dès lors l'anatomie normale ou pathologique, les vivisections, appliquées à la physiologie, à la pathologie et à la thérapeutique, tout cela est complètement inutile. La médecine ainsi conçue ne peut conduire qu'à l'expectation et à des prescriptions hygiéniques plus ou moins utiles; mais c'est la négation d'une médecine active, c'est-à-dire d'une thérapeutique scientifique et réelle.
― Claude Bernard

Haut de page