humeur du 13/03/2013
Dans la série des informations alarmistes sur les médicaments, le dernier épisode est celui du misoprostol (alias Cytotec®). Cette prostaglandine, vendue comme traitement de l’ulcère de l’estomac, est utilisée depuis longtemps par les médecins, hors autorisation, pour déclencher les accouchements.
Jeter la pierre aux obstétriciens, sans en profiter pour faire de l’éducation sanitaire à destination des femmes enceintes, serait encore un coup d’épée médiatique dans l’eau.
Le risque ne se situe ni dans les méthodes ni dans les médicaments utilisés pour déclencher un accouchement, le risque majeur est le déclenchement, en lui-même.
En 1980, environ 10% des accouchements étaient artificiellement déclenchés, le plus souvent pour des raisons médicales.
Aujourd’hui, 25% des accouchements sont déclenchés. Cette rapide augmentation résulte de la multiplication des déclenchements dits « de convenance » soit à la demande des patientes, soit pour faciliter la vie de l’obstétricien ou du service de maternité. Le déclenchement n’a presque plus rien de médical, puisque son taux varie de 15 à 50% selon les maternités !
Il faut parfois oser dire les choses crûment : les ¾ des raisons de déclenchement sont « fantaisistes », « capricieuses » ou « commerciales » ; elles ramènent l’accouchement à un produit de consommation courante. Alors que l’on possède déjà de solides données sur les risques bien réels de ces déclenchements artificiels.
Le déclenchement provoqué double le risque d’embolie amniotique (troisième cause de mort maternelle). Il double le risque de césarienne dont on connaît déjà les nombreux méfaits sanitaires pour la mère et l’enfant. Le déclenchement de convenance multiplie par 7 – j’ai bien dit sept – le nombre des admissions en réanimation néonatale !
Alors que l’on fustige notre endettement, notre mode de vie, notre empreinte carbone pour leurs impacts, encore abstraits, sur les générations futures, nous ne savons même pas analyser les preuves d’un impact réel et immédiat sur la génération d’aujourd’hui…
Espérons que la nouvelle aventure du misoprostol nous permette de réaliser à quel point nos parturientes sont, soit très capricieuses, soit très mal informées. Espérons que cette nouvelle fièvre médiatique autour d’un médicament nous aide à montrer du doigt ces nouvelles pratiques obstétricales où règnent trop de complaisance, trop de cupidité ou trop d’inconscience.
Utiliser le Cytotec® hors autorisation peut relever d’une pratique bien maîtrisée.
Provoquer un accouchement sans raison médicale valable est une faute grave.
Recommandations professionnelles : Déclenchement du travail à partir de 37 semaines d’aménorrhée.
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