lucperino.com

Garder sa tête

humeur du 20/08/2012

Garder sa tête

Enfant, j’entendais les adultes parler de certains vieillards avec une admiration qui se résumait en une phrase : « il a gardé toute sa tête. » Ne pas avoir perdu une partie de sa tête devait être un exploit dont je mesurais mal l’importance...

Un peu plus tard, je compris la synonymie entre « tête » et « raison ». Une telle synonymie n’existait pas pour les jambes ou les yeux, on disait rarement de ceux qui marchaient mal ou voyaient mal qu’ils avaient perdu leurs jambes ou leurs yeux. La vacuité de la tête semblait plus dramatique que celle des jambes ou des yeux...

La suprématie de la raison chez l’homme m’apparut logiquement avec l’âge de raison. Cependant, je ne percevais pas encore les subtiles différences de sénilité. Pourquoi disait-on de ceux qui avaient « perdu leur tête » qu’ils étaient séniles ? Les autres ne devaient donc pas être de véritables vieux... L’adolescence me fit comprendre enfin qu’il fallait être un proche parent pour percevoir ces nuances de la sénilité...

Mes années d’études en médecine m’amenèrent à mieux réfléchir. Tous les organes vieillissent et s’usent irrémédiablement, le cerveau comme les cartilages, la peau ou les oreilles. Les causes sont multiples : insuffisance d’irrigation vasculaire, dégénérescence cellulaire, usure mécanique, etc.
On m’apprit à distinguer deux démences : la maladie d’Alzheimer et la démence vasculaire, l’une dégénérative et l’autre vasculaire. Lors de mon internat, il y avait beaucoup de démences vasculaires et très peu d’Alzheimer. Aujourd’hui, le rapport des diagnostics s’est complètement inversé. S’agit-il d’une découverte médicale, d’une stratégie diagnostique ou d’un changement de façon de vieillir ? Je n’en sais rien.

Je viens d’apprendre récemment que les causes de la maladie d’Alzheimer sont multiples, mais que la cause vasculaire y est, en fin de compte, prépondérante.

Quel ébahissement de ma maturité que de constater que malgré la finesse des diagnostics étiologiques et malgré le désordre chronologique du vieillissement des organes, on finit toujours par vieillir par tous les bouts !

Bibliographie

Ruitenberg A et coll.
Cerebral hypoperfusion and clinical onset of dementia: the Rotterdam study.
Ann Neurol., 2005 ; 57 : 789-94

Stefani A et coll.
CSF biomarkers, impairment of cerebral hemodynamics and degree of cognitive decline in Alzheimer's and mixed dementia.
J Neurol Sci 2009; 283: 109–115.

RARE

Site médical sans publicité
et sans conflit d'intérêts.

 

Vous aimerez aussi ces humeurs...

Deuxième fonction du praticien - De tous temps, la médecine a tenté d’intervenir dans des situations de maladie et de [...]

Déficits légers - Avec les années, je constate que ma peau est moins élastique, plus rêche, et plus [...]

Supplique contre le masque à l’école - Intuitivement, le masque est utile en cas d’épidémie de virose respiratoire. Confirmer [...]

Maltraitance immunitaire - Dans le domaine de l’immunologie, les médecins se doivent d’afficher une certaine [...]

La mort est plurifactorielle, même en période de crise - Guerres, famines, épidémies ou chocs climatiques provoquent des pics de mortalité. Lors des [...]

Haut de page