humeur du 24/03/2010
Une publicité en faveur du dépistage de masse, entendue sur les médias grand public, mentionne, sans vergogne ni précision, 9 guérisons sur 10 lorsque le cancer du côlon est dépisté.
Aucune étude, ni française, ni internationale ne fait état d’un taux de 90% de baisse de mortalité grâce au dépistage. Les résultats des études les plus rigoureuses affichent des résultats variant entre 20% et 30%.
L’erreur est vraiment trop grossière !
Il doit y avoir une autre explication. Il doit ici être question de mortalité absolue et non de mortalité relative. Le message complet serait alors celui-ci : « La mortalité après diagnostic clinique de cancer du côlon est de 15% et elle passe à 10% avec le dépistage. » Ce qui correspond en effet à une baisse relative de mortalité de 30% environ.
Dans ce cas, il ne s’agit plus d’une erreur, mais d’un mensonge.
En cancérologie, la convention est de parler de mortalité lorsque la mort survient dans les cinq ans qui suivent le diagnostic et de parler de guérison au-delà de cinq années sans récidive. Le taux de survie à cinq ans du cancer du côlon varie de 40 à 60 % selon les études, ce qui fait un taux de mortalité absolue variant inversement de 60% à 40% que le dépistage – si l’on prend le meilleur chiffre de 30% de baisse relative de mortalité – ferait passer à 40% ou 30%
Le mensonge est de la même grossièreté que l’erreur.
Mais peu importe, il est inutile de se perdre dans ces précisions mathématiques réservées aux épidémiologistes, car toutes ces statistiques portent sur des objets totalement différents. On ne peut, en effet, pas comparer un cancer dépisté (donc infraclinique) à un cancer diagnostiqué (donc clinique). La survie du premier est, par définition, plus élevée que celle du second, quel que soit le potentiel d’évolution clinique de chacun. Les termes de mortalité et de guérison perdent ici toute leur valeur d’objet statistique. Les calculs qui en résultent sont a priori faux comme l’addition de carottes et de lapins.
Dans ce cas, c’est la stupidité qui devient grossière.
Il ne nous reste plus qu’à choisir entre erreur grossière, mensonge grossier ou stupidité grossière. Soyons réalistes, les responsables du ministère qui orchestrent ces campagnes peuvent être supposés indemnes de ces trois grossièretés.
Nous nous trouvons alors en face d’une manipulation perverse qui repose sur l’acceptation béate de chiffres basée sur l’intuition populaire de l’évolutivité inexorable des « maladies » et la primauté de l’intervention thérapeutique précoce. Hélas pour nous tous, ni l’un ni l’autre ne sont prouvés et des bases de calcul aussi mauvaises ne sont pas près de nous en apporter la preuve.
Nous pouvons comprendre ce genre de manipulations en provenance d’industriels guidés par le profit, mais on arrive mal à percevoir les motifs de telles supercheries en provenance du ministère.
Beaucoup de citoyens et de médecins commencent à percevoir l’inutilité globale des dépistages de masse (à bien distinguer du dépistage individualisé.) Ces manipulations répétées, au-delà de leur mépris pour notre intelligence naturelle, risquent d’avoir un effet contre-productif en éloignant les patients de la prévention et du dépistage raisonnés.
L’information éclairée du patient est la première règle de l’éthique médicale.
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