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L’ultime blason des déserts médicaux

humeur du 03/03/2009

L’ultime blason des déserts médicaux

Le ministère de l'agriculture se trouve à Paris. Lors du festival de la BD à Angoulême ou du cinéma à Cannes, ce sont des journalistes parisiens qui viennent couvrir l'évènement. Il faut avoir l'esprit tordu pour trouver cela anormal! Les journalistes méridionaux et les agriculteurs bourguignons ambitieux vont naturellement s'installer à Paris.

Les petites maternités rurales ferment pour des raisons évidentes de sécurité, les taux de mortalité néonatale y sont supérieurs aux standards nationaux. La fermeture des lignes ferroviaires régionales n'empêchera pas d'atteindre le magnifique hôpital mère-enfant situé à cent kilomètres, car les routes sont déneigées en permanence, garantissant la baisse du taux de mortalité néo-natale!

Avec la concurrence des tomates andalouses et après la fermeture de l'école et de l'épicerie, un paysan célibataire et sans enfants s'est tourné vers la conservation de semences rares pour les zones rurales atypiques. Il vient de perdre son procès, car la vente de semences non validées par un certificat est interdite. Il a dû vendre sa voiture pour payer l'avocat, un grand spécialiste de la ville. Son fils est parti quand son usine du chef-lieu de canton a fermé, il ne pourra plus l'emmener en voiture à l'hôpital. Il reste encore les hélicoptères, il les voit à la télévision, on lui a certifié qu'ils viennent même lorsque la télévision n'est pas là. Quant aux médecins, ils ont été les derniers à partir, mais ils ont fini par faire comme tout le monde, surtout ceux qui avaient besoin d'écoles pour leurs enfants.

Le gouvernement s'attelle aujourd'hui à la désertification médicale. Soyons certains que les solutions ne manquent pas. Il reste encore quelques médecins français solitaires et célibataires ou des médecins chinois ou roumains dont la famille meurt de faim. Le vrai sujet n'est donc pas la solution au problème, mais le fait que le problème soit posé.

Pourquoi veut-on absolument soigner les habitants de nos campagnes ? Ceux qui ont su résister, après tout ce qu'on leur a pris, ne sont certainement pas prêts à se laisser déménager dans un EPAD (établissement pour personne âgée dépendante.) Ils ne verraient plus leur environnement familier. Certes le poulailler est vide depuis l'abattage des poules après l'alerte à la grippe aviaire, certes l'usine est vide mais son mur est toujours visible. On leur donnerait, le soir, des neuroleptiques, pour calmer leur agitation devant ce nouvel horizon non familier. Peut-être même voudrait-on soigner à la hussarde leurs inéluctables métastases...

Chers confrères, ayons au moins l'humanité de les laisser mourir dignement et en silence derrière les rideaux de leurs fenêtres. Chers confrères, promettons-leur de ne jamais aller nous installer dans ces campagnes dont le refus sanitaire pourrait bien être le dernier blason.

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