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Le marronnier d’hiver

humeur du 26/11/2008

Le marronnier d’hiver

Le nombre de SDF qui meurent chaque année dans la rue est d'environ 300. Les causes sont multiples : agressions, misère physiologique arrivée à son terme, coma éthylique, intoxications diverses et froid aussi bien sûr.

En plus d'être un arbre, voisin du châtaignier dont nous apprécions les "marrons chauds" en hiver, le marronnier est un terme utilisé pour désigner un thème journalistique récurrent et inévitable. La baisse du niveau scolaire lors du bac en juin, les troubles digestifs et la dangerosité des jouets à Noël, la méningite à chaque mort suspecte ou le syndicaliste marseillais à chaque grève sont des marronniers indispensables et familiers.

La mort des SDF aux premiers froids est l'un des plus coriaces. Dès que le thermomètre baisse au dessous de cinq degrés, les médias guettent le premier mort et son arrivée fait le tour des rédactions en quelques heures. Ce sujet est grave puisqu'il révèle plusieurs de nos insuffisances allant du logement social au chômage en passant par les psychoses et l'alcoolisme. L'interdiction que nous avons de le traiter à la légère ne doit pas nous empêcher de garder notre sang-froid de scientifique adepte de la médecine basée sur les preuves.

Les quatre morts largement médiatisés de ce mois de novembre nous révèlent, par cette baisse brutale de la moyenne mensuelle, que les premiers froids ont pour conséquence une baisse significative de la mortalité urbaine des SDF. En effet, la plupart d'entre eux n'étant pas complètement idiots ou suicidaires, tentent de se réfugier dans des abris plus confortables dès les premiers froids. Ces lieux ou foyers d'accueil sont l'occasion de soins inhabituels, d'une douche limitant les infections ou d'un soutien moral susceptible de diminuer l'éthylisme aigu. Ces soins, hélas toujours insuffisants, révèlent la charité dont font preuve les associations qui les pratiquent toute l'année.

Le créneau du marketing gratuit pour ce business de la charité est très étroit, il se situe fin novembre ou début décembre ; aucune association caritative ne peut se permettre de le rater, car elle sait qu'il lui faudra attendre un an pour une nouvelle promotion. Tant pis si l'épidémiologie en prend un coup, puisque c'est pour la bonne cause. Ne reprochons pas aux grands médias leur manque de rigueur scientifique, ils ne sont pas faits pour cela, ils sont le lieu de la promotion et ils s'en acquittent plutôt bien.

Tout est question de créneau.

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