humeur du 09/02/2016
Plus de 90% de mes confrères n’avaient jamais entendu parler de zika ; ils découvrent ce virus en même temps que le grand public.
Grâce à la génomique et aux tests virologiques, les diagnostics des maladies virales sont de plus en plus précis. Autrefois votre médecin vous exhortait à la patience en évoquant un « virus passager » pour dissimuler son ignorance. Fort heureusement, la plupart des viroses étaient bénignes ; les plus virulentes étaient identifiées ou avaient déjà leur vaccin.
Puis, le SIDA et son cortège de progrès ont fait naître la notion d’émergence. Les virus sont d’extraordinaires opportunistes, ils savent profiter de la libération sexuelle, des transports aériens ou des animaleries exotiques. Les humains sont une véritable aubaine.
Dans la grande famille des arboviroses, on a eu successivement la fièvre jaune, la dengue, le chikungunya, et le zika. Les observateurs attentifs et optimistes auront remarqué que l’on est passé d’une létalité de 50% avec la fièvre jaune, inférieure à 20% avec la dengue, quasi-nulle avec chikungunya, et à une absence totale de symptôme dans trois quarts des cas de zika.
Pour assurer leur avenir, les arbovirus n’ont manifestement pas choisi la virulence, ils ont choisi la dispersion, donc l’émergence. Ils savent même changer de moustique vecteur.
Mais alors pourquoi tant de bruit médiatique devant tant de bénignité ?
Il est bien imprudent de tenter de répondre à une telle question. Mais qui ne tente rien…
Même l’OMS est alarmiste ! On lui a reproché sa discrétion pour H1N1 et Ebola, et comme rien n’est pire aujourd’hui, en politique comme en science, que d’être en retard sur les médias, l’OMS s’affranchit donc de la discrétion... Tant pis pour l’analyse sereine des faits…
Les chercheurs anglo-saxons ont compris depuis longtemps qu’il fallait brandir le péril infectieux pour attirer les subventions publiques et privées. Avec leur optimisme désuet, les chercheurs français sont plus pauvres, même après avoir identifié le virus du SIDA. La science mercatique supplante toutes les autres.
Soyons plus sérieux, il reste le problème de cette microcéphalie. Occasion de rappeler que presque tous les virus, médicaments et produits chimiques sont potentiellement tératogènes au premier trimestre de la grossesse.
Entre les microcéphalies du Brésil et le zika, il existe bien une forte corrélation, mais nous ignorons toujours si la causalité est aussi forte que la corrélation et, surtout, nous ignorons si elle est unique. Il faut patienter…
Enfin, la transmission sexuelle a été évoquée sur deux cas. Sans commentaire !
Mais il y a beaucoup mieux : l’Amérique catholique du Sud reparle d’avortement et de contraception.
Je ne sais pas quel est l’avenir de virulence et d’émergence du zika, mais après avoir convoqué le sexe et la religion, il a certainement un bon avenir médiatique.
Choumet V, Desprès P
Dengue and other flavivirus infections
Rev Sci Tech. 2015 Aug;34(2):473-8, 467-72
Fauci AS, Morens DM
Zika Virus in the Americas — Yet Another Arbovirus Threat
N Engl J Med, January 13, 2016
DOI : 10.1056/NEJMp1600297
Hayes EB
Zika virus outside Africa
Emerg Infect Dis. 2009 Sep;15(9):1347-50
DOI : 10.3201/eid1509.090442
Paganelli A, Gnazzo V, Acosta H, López SL, Carrasco AE.
Glyphosate-Based Herbicides Produce Teratogenic Effects on Vertebrates by Impairing Retinoic Acid Signaling.
Chem. Res. Toxicol., 2010, 23 (10), pp 1586–1595.
DOI: 10.1021/tx1001749
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Il apparaît que définir la physiologie comme la science des lois ou des constantes de la vie normale ne serait pas rigoureusement exact, pour deux raisons. D'abord parce que le concept de normal n'est pas un concept d'existence, susceptible en soi de mesure objective. Ensuite, parce que le pathologique doit être compris comme une espèce du normal, l'anormal n'étant pas ce qui n'est pas normal, mais ce qui est un autre normal. Cela ne veut pas dire que la physiologie n'est pas une science. Elle l'est authentiquement par sa recherche de constantes et d'invariants, par ses procédés métriques, par sa démarche analytique générale. Mais s'il est aisé de définir par sa méthode comment la physiologie est une science, il est moins aisé de définir par son objet de quoi elle est la science. La dirons-nous science des conditions de la santé ? Ce serait déjà, à notre avis, préférable à science des fonctions normales de la vie, puisque nous avons cru devoir distinguer l'état normal et la santé. Mais une difficulté subsiste. Quand on pense à l'objet d'une science, on pense à un objet stable, identique à soi. La matière et le mouvement, régis par l'inertie, donnent à cet égard toute garantie. Mais la vie ? N'est-elle pas évolution, variation de formes, invention de comportements ? Sa structure n'est-elle pas historique autant qu'histologique ? La physiologie pencherait alors vers l'histoire qui n'est pas, quoi qu'on fasse, science de la nature. Il est vrai qu'on peut n'être pas moins frappé du caractère de stabilité de la vie. Tout dépend en somme, pour définir la physiologie, de l'idée qu'on se fait de la santé.
― Georges Canguilhem