humeur du 26/08/2017
Comme la plupart des badauds, j’ai regardé au moins une fois les applications proposées par mon smartphone. Quelle que soit notre opinion sur l’inutilité ou le mésusage de certaines d’entre elles, nous ne pouvons qu’être admiratifs devant toutes ces technologies concentrées en un seul objet compact et aussi peu encombrant. Ce petit objet me permet de téléphoner, de photographier, de ne plus me perdre dans Paris ou Lyon, de trouver la date de naissance de Louis Pasteur et de Jeanne Moreau et, surtout, il m’a définitivement libéré de ce bracelet-montre qui me gênait et arrachait les poils de mon avant-bras gauche.
J’avoue avoir utilisé une ou deux fois l’application qui me permettait de savoir combien de pas j’avais marché dans la journée, puis, très vite, mes capacités cognitives m’ont permis de comprendre que le nombre de pas que j’avais fait était proportionnel au temps pendant lequel j’avais marché. Je craignais donc que ce gadget n’avilisse la mémoire à court-terme qui me permet encore de me souvenir combien de temps j’ai marché dans la journée. Il est d’ailleurs beaucoup plus profitable de marcher que de chercher à s’en souvenir, car la marche améliore considérablement la mémoire... C’est pourquoi, j’ai gloussé en voyant cette application sanitaire proposée séparément dans des bracelets dits « connectés » capables de relater aussi la quantité de sommeil, le rythme cardiaque ou le temps de natation.
Certes, j’ai compris depuis longtemps que la santé débride l’imagination des marchands, et que la peur de la perdre est un inépuisable support mercatique, mais je me suis senti brutalement déconnecté du monde, et tout particulièrement de celui des bracelets connectés et de leur désuet retour à la dépilation de l’avant-bras.
Mais de récentes nouvelles me laissent supposer que la majorité de mes concitoyens est encore capable de lucidité physiologique : ces bracelets auraient une faible durée d’utilisation et leurs ventes ne décolleraient pas aussi vite que prévu. Devant ce constat, le marché réfléchit déjà à des boucles d’oreilles, voire à des implants connectés.
J’ignore quelle prévalence d’addiction technologique il faut atteindre dans une population pour qu’un nombre suffisant de gogos se fassent greffer un implant pour connaître leur nombre de pas quotidiens. En tant que médecin, j’espère simplement qu’il n’y aura pas trop d’accidents d’anesthésie locale ni d’infections secondaires.
Marin J
Douloureux retour à la réalité pour le marché des bracelets connectés
Le Monde - Economie - 31 juillet 2017
Le coup de l'anosognosie - Le diagnostic officiel de Jacques Chirac est celui d’anosognosie qui signifie la [...]
Parlons chiffres - Le langage est un élément majeur de communication dans notre espèce. Cependant, la [...]
Biais de participation - Une étude sociologique dans les usines électriques Hawthorne a été réalisée dans les [...]
Domination du placebo sur toutes les médecines - Beaucoup de médicaments ont une base théorique expliquant leur action. Les bétabloquants [...]
Pour toute la vie - Mon petit-fils de trois ans venait d’écraser une fourmi. Constatant qu’elle ne [...]
On peut craindre qu'il se trouve assez de médecins égarés pour imposer un ordre médical ou hygiéniste à la société, tout comme il s'est trouvé assez de religieux égarés à d'autres époques ou dans d'autres lieux pour imposer un ordre qu'ils jugeaient aussi fondé spirituellement que les médecins jugent leurs valeurs fondées physiologiquement. Des religieux jugeaient bon de brûler les corps pour sauver les âmes, tout comme ces médecins détruiraient la liberté humaine pour sauver les corps.
― Alain Froment