humeur du 16/01/2018
Depuis Galien, la thériaque a été proposée par les apothicaires comme remède à tous les maux. La composition de ce mélange de plus de cinquante plantes aromatiques et produits ésotériques a varié au cours des siècles, mais elle contenait immanquablement de l’opium qui en résumait à lui seul toute l’efficacité.
Ce même opium expliquait aussi l’engouement des patients pour cette panacée qui a fini par être retirée du Codex à la fin du XIX° siècle sans que personne n’ai jamais cherché à dénombrer le nombre de ses victimes.
L’opium ayant ainsi disparu du soin quotidien, divers antalgiques sont venus au secours des douleurs physiques, et il a fallu attendre les psychotropes et les hallucinogènes pour tenter d’apaiser les douleurs morales. Tout cela avec une surveillance médicale plus stricte : la morphine et les opiacés étant exclusivement dédiés aux douleurs cancéreuses et aux patients en fin de vie.
Hélas, rien ne peut suffire à endiguer le flot des souffrances, et nul ne sait longtemps tenir le marché éloigné de cette manne.
Vers la fin des années 1980, les indications de la morphine ont été étendues à divers types de douleurs. Lorsqu’avec plusieurs généralistes, nous avons alerté sur le risque d’abus, nous avons été qualifiés de rétrogrades par rapport au modèle anglo-saxon. Les centres antidouleur, soi-disant spécialisés, n’ont pas diminué le nombre des souffrances, mais ont largement contribué à augmenter le nombre des addictions. En 2014, les agences du médicament se sont enfin inquiétées de cette toxicomanie sur ordonnance. Pourtant, notre sécurité sociale continue à rembourser, envers et contre tout, les plus addictogènes des drogues, pendant que le flot des souffrances grossit irrémédiablement.
Aujourd’hui, le gouvernement américain s’inquiète des 200 morts quotidiens par intoxication aux opiacés de prescription médicale. Nous ne pouvons que nous attrister d’avoir eu raison. Mais soyons certains qu’il y aura bientôt un tout nouvel argumentaire pour nous accuser encore de barbarie face à la grande douleur de nos concitoyens. En tant que médecin, j’ai honte de notre impuissance devant la souffrance, mais je m’enorgueillis de ne pas l’avoir aggravée.
Je propose lâchement que toutes les thériaques à venir soient en vente libre, afin que la médecine ne soit plus le point de convergence de toutes les souffrances et que les médecins ne soient plus les premiers pourvoyeurs des nuisances qui en découlent.
Beauchamp GA, Winstanley EL, Ryan SA, Lyons MS
Moving beyond misuse and diversion: the urgent need to consider the role of iatrogenic addiction in the current opioid epidemic
Am J Public Health. 2014 Nov;104(11):2023-9
DOI : 10.2105/AJPH.2014.302147
Chou R, Turner JA, Devine EB, Hansen RN, Sullivan SD, Blazina I, Dana T, Bougatsos C, Deyo RA
The effectiveness and risks of long-term opioid therapy for chronic pain: a systematic review for a National Institutes of Health Pathways to Prevention Workshop
Ann Intern Med. 2015 Feb 17;162(4):276-86
DOI : 10.7326/M14-2559
Cicero TJ et coll
The changing face of heroin use in the United States : a retrospective analysis of the past 50 years
JAMA Psychiatry, 2014 ; 71 : 821–826
Dart RC, Surratt HL, Cicero TJ, Parrino MW, Severtson SG, Bucher-Bartelson B, Green JL
Trends in opioid analgesic abuse and mortality in the United States
N Engl J Med. 2015 Jan 15;372(3):241-8
DOI : 10.1056/NEJMsa1406143
Daum AM, Berkowitz O, Renner JA Jr
The evolution of chronic opioid therapy and recognizing addiction
JAAPA. 2015 May;28(5):23-7
DOI : 10.1097/01.JAA.0000464268.60257.ad
Dhalla IA , Persaud N, Juurlink DN
Facing up to the prescription opioid crisis
BMJ, 343, 5142, 2011
DOI : http://dx.doi.org/10.1136/bmj.d5142
Dowell D, Haegerich TM, Chou R
CDC Guideline for Prescribing Opioids for Chronic Pain--United States, 2016
JAMA. 2016 Apr 19;315(15):1624-45
DOI : 10.1001/jama.2016.1464
Galinkin J, Koh JL
Recognition and management of iatrogenically induced opioid dependence and withdrawal in children
Pediatrics. 2014 Jan;133(1):152-5
DOI : 10.1542/peds.2013-3398
Jacobson B, Nyberg K, Gronbladh L, Eklund G, Bygdeman M, Rydberg U
Opiate addiction in adult offspring through possible imprinting after obstetric treatment
BMJ 1990;301:1067
DOI : 10.1136/bmj.301.6760.1067
Merino JG
slowing the opioid analgesic overdose epidemic
BMJ 2013;346:f730
Rawson RA et coll
OxyContin abuse : who are the users ?
Am J Psychiatry 2007 ; 164 : 1634-1636
Tavernise Sabrina
F.D.A. Likely to Add Limits on Painkillers
The New-york Times, January 25, 2013
Van Zee A
The Promotion and Marketing of OxyContin: Commercial Triumph, Public Health Tragedy
Am J Public Health. 2009 February; 99(2): 221–227
DOI : 10.2105/AJPH.2007.131714
Site médical sans publicité
et sans conflit d'intérêts.
Pas de médecine après 75 ans - L’augmentation de l’espérance moyenne de vie à la naissance résulte essentiellement de [...]
L'énigme du colostrum - Il est communément admis que la sélection naturelle a conduit chaque espèce à une [...]
Migraines en soldes - Lorsqu’une pathologie ou un symptôme a une fréquence anormalement élevée dans la [...]
L’ultime blason des déserts médicaux - Le ministère de l'agriculture se trouve à Paris. Lors du festival de la BD à Angoulême [...]
Observance et éducation thérapeutique - L’observance thérapeutique est un sujet de grande importance pour une médecine qui se [...]
- Nous avons rendu obligatoire les traitement de S.P.V.
- S.P.V. ?
- Succédané de Passion Violente. Régulièrement, une fois par mois, nous irriguons tout l'organisme avec un flot d'adrénaline. C'est l'équivalent phsiologique complet de la peur et de la colère. Tous les effets toniques que produit le meurtre de Desdémone et le fait d'être tué par Othello, sans aucun des désagréments.
― Aldous Huxley