humeur du 06/06/2018
Le succès médical de l’insuline en 1921 s’est accompagné d’un succès commercial moyen, car malgré l’obligation d’un traitement à vie, la cible des patients était étroite. Dans les années 1940, l’extraordinaire efficacité des antibiotiques s’est doublée d’un succès commercial sans précédent, mais les traitements étaient courts, car immédiatement efficaces.
Trop peu de patients d’un côté, et des patients trop vite guéris de l’autre, les industriels ont vite compris qu’aucun de ces deux miracles médicaux n’était véritablement miraculeux pour le commerce. Il fallait des cibles larges et des traitements à vie. Cette évidence mercatique allait définitivement réorganiser l’activité de l’industrie pharmaceutique. Avec une ténacité aboutissant progressivement à canaliser la recherche médicale, à détourner l’éducation sanitaire de la population vers une prévention pharmacologique et, in fine, à circonscrire la recherche clinique et l’enseignement universitaire.
Aujourd’hui, la très grande majorité des prescriptions médicamenteuses s’adresse à des maladies virtuelles (facteurs de risque) ou potentielles (gènes ou cancers dépistés) qui n’ont jamais été cliniquement vécues par les individus et ne le seront probablement jamais. Cette médicamentation de la société a créé de nouvelles maladies iatrogènes (celles-ci réellement vécues), et des addictions plus nombreuses et plus graves que les classiques addictions aux drogues illicites.
Depuis l’halitose (mauvaise haleine passagère) transformée en maladie chronique en 1920 pour vendre un désinfectant ménager transformé en médicament contre l’exclusion sociale, la liste des maladies et concepts pathologiques nouveaux créés par cette recherche marchande ne cesse de s’accroître. Ménopause, dysfonction érectile, dysphorie prémenstruelle, insomnies crées par les benzodiazépines, timidité, décrets d’anomalies métaboliques, tristesse ou fatigues passagères, allergies alimentaires factices, hyperactivité, colère, hypertensions labiles ou approximatives, dépressions ou migraines chronicisées par leur traitement, dépendance irréversible aux opioïdes, pour ne citer que les plus connues.
Mais il serait injuste de n’accuser que big pharma et d’élaborer une théorie du complot. La réalité est plus simple, la naïveté anthropologique qui a façonné les religions se déplace et se prolonge en d’autres croyances : une gélule peut retarder la sénescence ou compenser les extravagances nutritives, un comprimé peut supprimer l’angoisse existentielle ou régler les conflits conjugaux.
Il ne nous reste plus qu’à espérer qu’il subsistera encore au moins 1% de la recherche pour les vrais, jeunes, rares et graves malades et pour les millions de morts par infections tropicales. Sinon, l’apogée de la médecine serait déjà loin derrière nous, car si les transhumanistes ont résolument décidé de prendre le relais commercial, ils n’ont pas l’intention de prendre le relais médical ni d’assumer la charge clinique.
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Big Pharma : une industrie toute-puissante qui joue avec notre santé
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Ces médicaments qui nous rendent malades
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Et les troubles sexuels devinrent une maladie
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The changing face of heroin use in the United States : a retrospective analysis of the past 50 years
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Psychiatrie mortelle et déni organisé
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Dépendance aux médicaments opioïdes aux Etats-Unis : une énorme épidémie mortelle par surdose
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Médicamentation de la société, l'affaire de tous : le point de vue de la pharmacologie sociale
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Ce n'est pas seulement la théorie qui pose problème avec la psychanalyse. Les théories fausses peuvent toujours être jetées au panier si les méthodes sous-jacentes restent saines. La faillite la plus grave de la psychanalyse tient à son rejet éhonté de la méthode scientifique. Une discipline dépourvue de méthode pour s'autocritiquer et se rectifier dérive inévitablement d'un système de croyance pseudo-scientifique à un autre. Voilà, à mon avis, l'héritage le plus tragique que Freud nous ait laissé.
― Frank J. Sulloway