humeur du 09/08/2018
La relation médecin-patient est un thème rebattu. Sa qualité est supposée produire celle du soin. Depuis Balint, les médecins sont encouragés à suivre des formations pour améliorer cette relation. La confiance des patients en leur médecin est le fondement de l’effet placebo, lequel représente la plus importante contribution au succès du soin, quels que soient les progrès de la médecine et la gravité des pathologies.
Cette relation n’a évidemment pas échappé aux évolutions sociales et technologiques. L’échange verbal est de plus en plus haché par diverses mélodies de téléphone. Les regards se croisent moins depuis que l’ordinateur du médecin en capte la majorité. Internet en est devenu une tierce personne. Enfin, cette relation, importante pour l’éducation et le conseil et pour toutes les thérapies non médicamenteuses, a perdu de son poids maintenant que les industriels du médicament sont les seuls à façonner l’art et l’enseignement médical.
D’un côté, les décisions thérapeutiques sont basées sur des statistiques biomédicales le plus souvent biaisées. Néanmoins, ces décisions probabilistes sont labellisées, immuables et définitives. Les traitements sont prescrits à vie quelle que soit l’évolution clinique individuelle.
De l’autre côté, le soin empirique, modulable et réversible, façonné par la parole et la relation, est devenu presque suspect.
La souffrance générée par cette dégradation relationnelle est la même des deux côtés du stéthoscope. Médecins et patients sont également victimes de cette évolution. Le médecin se réfugie derrière une ordonnance anonyme, approuvée par sa faculté et son ministère. Le patient accepte cette ordonnance à défaut de ne pouvoir obtenir toute l’attention qu’il espérait.
La petite philosophie synthétique que je livre ici n’a rien d’original et s’est construite au gré de mes désolations de clinicien, mais l’ampleur du problème m’est apparue suite à la récente réflexion d’un ami qui me relatait les suites d’une consultation : « mon médecin m’a prescrit ce médicament, mais je n’ose pas lui avouer que je ne le prends pas de peur de le vexer ».
Cet ami avait inversé la charge de la confiance. Il tenait manifestement à garder son médecin, bien que n’ayant plus vraiment confiance en lui. L’essentiel semblait être que ce praticien garde confiance en son patient. Ce paradoxe ébranla ma naïveté médicale et me conduisit à de nouvelles digressions sur notre métier. J’imaginai alors les imbroglios que devront démêler les futurs cliniciens. Prescriptions abusives à vie, effets secondaires des médicaments inutiles, dissimulations de non observance, automédication, médicaments frelatés achetés sur internet, multiples prescriptions de spécialistes ou de médecines alternatives, bref, tous ces échecs de la relation allaient rendre le défrichage des symptômes et de l’évolution clinique infiniment laborieux. Dans la relation médecin-patient de demain, les docteurs Watson auront vraiment besoin de Sherlock Holmes à leurs côtés.
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J’aime les vrais obsessionnels qui se lavent les mains cinquante fois par jour. Je les gave de psychotropes et ils ne se lavent plus les mains. Ils attrapent alors des maladies infectieuses par manque d’hygiène et je les guéris avec mes antibiotiques. Ils font une allergie aux antibiotiques et je les soigne avec mes antiallergiques. Mes antiallergiques les endorment, je leur donne un stimulant. Mes stimulants réveillent leurs obsessions, et vogue la galère en direction de la case départ. Eux, au moins, ce sont de vrais malades. De vrais disciplinés de ma pharmacopée.
― Luc Perino