lucperino.com

Du protège-lame au gilet jaune

humeur du 24/12/2018

De nombreux accidents domestiques et de travail ont jalonné l’ère industrielle. L’alcool en a été un facilitateur, mais aussi la candeur, car l’usage de l’électricité ne s’improvise pas et il faut du temps pour que les machines et les hommes s’apprivoisent mutuellement.
Chaque année, de nouvelles normes de sécurité sont imposées aux fabricants et aux installateurs. Ces normes, déduites des accidents passés, ont incontestablement diminué la morbidité et la mortalité imputables à la technologie.

Aujourd’hui, les normes s’accumulent et devancent parfois les accidents ; elles peuvent même, à leur tour, devenir une source d’accidents nouveaux et imprévisibles. Avec les disjoncteurs et interrupteurs différentiels, plus personne ne peut s’électrocuter par distraction, mais les prises femelles étanches ont un degré d’obturation si efficace que des blessures surviennent lors de l’introduction ou du retrait des prises mâles. Les fabricants sont dans l’obligation d’équiper leurs machines-outils de systèmes de protection de plus en plus nombreux qui augmentent le coût de production. Ces accessoires sont donc parfois de piètre qualité et gênent le fonctionnement normal des machines. Ainsi, des accidents proviennent de manœuvres diverses pour décoincer un protège-lame ou contourner un garde-fou.
Dans les appartements et ateliers, les déclenchements intempestifs de sirènes d’effraction et de détecteurs de fumée finissent par estomper la vigilance de base.

Ces équipements superflus ou maximalistes sont certainement meilleurs pour le commerce que pour la santé publique Avant d’imposer de nouvelles normes, le législateur devrait en calculer le coût et en estimer le ratio bénéfices/risques, comme il devrait le faire pour chaque nouveau médicament.
Dans le domaine automobile, c’est plus souvent le détournement d’usage qui provoque les accidents, comme dans les exemples des feux de détresse et des gilets jaunes qui ont été imposés à tous les véhicules dans le but initial d’éviter certaines collisions. Les feux de détresse sont utilisés essentiellement par  des automobilistes goujats qui se garent en double file ou sur des pistes cyclables. Les cyclistes ainsi dévoyés sont alors renversés par d’autres véhicules. La palme revient sans doute aux gilets jaunes qui n’ont probablement jamais sauvé une vie, mais qui, récemment détournés de leur usage pour aller manifester sur les routes, ont déjà provoqué la mort de dix personnes et occasionné de nombreuses blessures en quelques semaines. Un ratio bénéfices/risques qui n’est pas encore aussi négatif que celui du Médiator®, mais qui pourrait s’en approcher dangereusement...

La goujaterie a remplacé l’alcool, les réseaux sociaux ont remplacé la candeur, et le risque zéro semble désormais s’éloigner à chaque nouvelle création de norme.

Vous aimerez aussi ces humeurs...

Vaccins, pourquoi ne fait-on pas comme pour les médicaments ? - Les vaccins constituent la plus belle victoire de la médecine. Jusque dans les années 1970, les [...]

Variabilité des critères du dépistage - En 1968, l’OMS établissait la liste des critères du dépistage des maladies, pour tenter [...]

Divertissement nucléaire - La mort par armes à feu est un problème de santé individuelle, sauf dans certains pays comme [...]

De l’épisiotomie à l'épistémologie - L’épisiotomie offre un excellent modèle de réflexion sur l’histoire du soin préventif. [...]

Unique invulnérabilité - Il faudrait une encyclopédie en 20 tomes pour simplement énumérer la liste des biais des [...]

La phrase biomédicale aléatoire

Un regard qui écoute et un regard qui parle : l'expérience clinique représente un moment d'équilibre entre la parole et le spectacle. Equilibre précaire, car il repose sur un formidable postulat : que tout le visible est énonçable et qu'il est tout entier visible parce que tout entier énonçable.
― Michel Foucault

Haut de page