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Variations ethniques pour la lipoprotéine (a)

dernière mise à jour le 03/06/2019

Découverte en 1963, la lipoprotéine (a) ou Lp (a) a une structure proche de celle de la lipoprotéine LDL. Elle a longtemps été négligée en tant que facteur de risque cardiovasculaire, mais ce statut lui a été finalement accordé, notamment grâce à la génétique. La randomisation mendélienne a permis d’établir une relation probablement causale entre certains polymorphismes génétiques et le risque précédent. En effet, les taux plasmatiques de Lp(a) sont principalement déterminés par des facteurs génétiques et s’avèrent très peu sensibles aux régimes et aux médicaments hypolipémiants actuels y compris les statines, ce qui pourrait changer à plus ou moins long terme. Les variations interindividuelles et interethniques des taux de Lp(a) sont considérables et des valeurs élevées majorent le risque cardiovasculaire de façon variable selon le profil individuel basal déterminé à partir des scores classiques. Ainsi, dans les populations européennes, les taux plasmatique de Lp(a) permettent, dans une certaine mesure, de prédire le risque d’infarctus du myocarde (IDM).
 
Qu’en est-il dans les autres groupes ethniques ? C’est à cette question que répond l’étude de type cas-témoins, dite INTERHEART study dans laquelle ont été inclus 6 086 cas d’IDM inaugural et 6 857 témoins, répartis par stratification en sept groupes ethniques, un ajustement étant en outre effectué en fonction de l’âge et du sexe. Il faut souligner au passage que la distribution des isoformes de la Lp(a) en termes de taille et de concentration reste mal connue à l’échelle de la diversité ethnique. Sept groupes ont donc été constitués selon l’origine : Afrique (n = 775), Chine (n = 4 443), Pays arabes (n = 1 352), Europe (n = 1 856), Amérique latine (n = 1 469), Asie du Sud (n = 1 829) et du Sud-Est (n = 1 221). Les concentrations de Lp(a) ont été mesurées chez tous les participants au moyen d’un dosage insensible à la taille des isoformes, cette dernière étant évaluée à l’aide d’un dosage type Western blot au sein d’un sous-groupe de 4 219 participants. 

Concentrations plus élevées chez les sujets d’origine africaine, plus basses chez les Chinois

Des variations interethniques considérables ont été constatées. Les concentrations les plus élevées de Lp(a) ont été observées chez les Africains avec des valeurs médianes de 27,2 mg/dl et c’est l’inverse qui a été noté pour ce qui est de la taille des isoformes avec une valeur médiane des répétitions des krinkles de type IV de l’ordre de 24.

 

Les krinkles sont des séquences d’acides aminés qui ont la forme de bretzels (krinkles en Anglais) : leur répétition conditionne la taille des isoformes de la Lp(a). Les valeurs correspondantes chez les sujets chinois étaient respectivement de 7,8 mg/dl et de 28. Globalement, toutes ethnies confondues, les concentrations élevées de Lp(a) (> 50 mg/dl) ont été associées à une majoration significative du risque d’IDM, avec un odds ratio (OR) estimé à 1,48 (intervalle de confiance à 95 %, IC95 %, 1,32-1,67; p < 0,001). Cette association s’est avérée indépendante des facteurs de risque cardiovasculaire établis, qu’il s’agisse du diabète, du tabagisme chronique, de l’HTA ou encore du rapport entre les apoliprotéines B/A. Une relation inverse a été mise en évidence entre la taille des isoformes et les concentrations de Lp(a) dans tous les groupes ethniques de l’étude. Si le risque d’IDM a semblé plus faible avec les isoformes les plus volumineuses, cette tendance n’a pas résisté à un ajustement statistique qui a pris en compte les taux de Lp(a). Comme il se doit, le risque d’IDM attribuable aux taux de Lp(a) a varié d’une ethnie à l’autre : de 0 % chez les sujets africains à 9,5 % chez les sujets originaires d’Asie du Sud.


Cette étude transversale du type cas-témoins de grande envergure confirme les variations interethniques des taux de Lp(a) tout en les précisant. Elle suggère que les valeurs élevées augmentent le risque d’IDM dans presque toutes les ethnies mais à des degrés divers, ce dernier étant plus élevé chez les sujets originaires d’Amérique Latine ou encore d’Asie du Sud. La taille des isoformes a été inversement associée aux concentrations de Lp(a) sans pour autant avoir d’incidence significative sur le risque précédent. Cette lipoprotéine suscite un regain d’intérêt depuis quelques années ce qui pourrait déboucher sur des perspectives thérapeutiques nouvelles : un espoir suscité d’ailleurs dès sa découverte il y désormais plus de 50 ans.

Abstract de  Catherine Watkins sur le JIM du 11/04/2019 

Bibliographie

Paré G, Çaku A, McQueen M, Anand SS, Enas E, Clarke R, Boffa MB, Koschinsky M, Wang X, Yusuf S
Lipoprotein(a) Levels and the Risk of Myocardial Infarction Among 7 Ethnic Groups
Circulation. 2019 Mar 19;139(12):1472-1482
DOI : 10.1161/CIRCULATIONAHA.118.034311

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Depuis quelques années, le problème de l'antibiorésistance, les progrès de la génomique, la redécouverte du microbiote et la prise en charge de maladies au long cours, nécessitent l'introduction d'une pensée évolutionniste dans la réflexion clinique

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