lucperino.com

Fantaisies de patchs

humeur du 12/02/2020

Il reste difficile de faire comprendre que le patch à la nicotine ne sert pas à arrêter de fumer, mais à compenser les éventuels effets du sevrage après avoir volontairement cessé de fumer. Certains prescripteurs ne l’ont d’ailleurs pas compris eux-mêmes.

Cette méprise n’a pas empêché son succès commercial, davantage lié à sa forme galénique de patch qu’à son utilité, par ailleurs très faible.

L’efficacité fantasmatique de ces dispositifs transdermiques a largement dépassé celles des ampoules buvables. Les plus anciens se souviennent de ces ampoules aux deux bouts effilés que nos mères rayaient avec la petite scie jetable que nous gardions pour d’autres usages. Il fallait ensuite rompre les deux bouts au risque de se blesser. Le gout infect du fortifiant ainsi délivré était un gage supplémentaire de son efficacité.

En matière de médicament, la forme a souvent plus d’importance que le fond. Les gélules bicolores et comprimés effervescents ont eu de longues heures de gloire avant que leur charme ne s’étiole. Certains patients exigent des piqûres, prétextant que les comprimés ne sont pas adaptés à leur fort tempérament. Pour d’autres, ce sont les génériques qui n’ont pas d’efficacité sur eux, le mot lui-même est devenu méprisable.

La chirurgie n’échappe pas à cette suprématie de la forme. Il est impossible de faire comprendre qu’une intervention au laser ou avec un robot, est peut-être superflue, car ces technologies ont un vernis qui dissimule toutes les vacuités. Saluons tout de même leur progrès qui permet parfois d’éviter l’anesthésie générale, laquelle a longtemps été un gage de sérieux.

Mais le patch trône au sommet d’un nouvel imaginaire : puissance médicale alliée à l’innocence cosmétique, intimité du progrès sans son extravagance.

Applaudissons la pharmacologie qui garde son efficacité sous formes de patchs, comme dans le cas de la contraception, de l’angor, ou des douleurs terminales. Désapprouvons celle qui se « patchifie » pour faire diversion de son inutilité comme dans le cas de l’Alzheimer. Regrettons que les patchs aient contribué à vulgariser les opiacés et à accroître le nombre d’addictions.

Les huiles essentielles, qui avaient déjà l’élégance de l’utilisation cutanée, ont désormais rejoint le cercle restreint des patchs.

Pour terminer, je vous livre un trésor de mon anthologie de messages publicitaires : « Notre patch est révolutionnaire et incontournable pour se protéger des ondes électromagnétiques. Les risques de la téléphonie mobile divisent les experts. Notre patch apporte enfin une solution simple et efficace. Il se présente sous la forme d'un circuit souple en argent, au design High Tech, à coller à l'arrière du smartphone. La santé d'abord. »

Il fallait y penser : la solution n’est plus de coller le patch sur le patient, mais sur la nuisance. Que les fabricants de cigarettes y songent, cela éviterait les erreurs de prescription du patch à la nicotine.

Bibliographie

Un patch contre les ondes électromagnétiques
http://www.fazup.com/fr/

Vous aimerez aussi ces humeurs...

Tabac par tous les bouts - L’histoire du marketing du tabac est insolite. Importé du Nouveau Monde, il a été utilisé [...]

La surdité change de camp - Après les obus de la guerre et les usines qui ont assourdi nos parents, voici venir le temps de [...]

Dépression de noël - Les pathologies varient selon les pays et les époques. Le terme de pathocénose désigne [...]

Empreinte carbone et médicale des animaux domestiques - Chaque être vivant génère une « empreinte » biologique en tant qu’acteur d’un [...]

Cancer vaincu par la banalité - Depuis quelques années, la frénésie du dépistage a multiplié les diagnostics de cancer, [...]

La phrase biomédicale aléatoire

Un parallèle entre "clinique soignante" et clinique du monde est nécessaire en ce qu'il impose une attitude de vigilance inventive des signes qui font notre vie et notre société.
― Marc Grassin et Frédéric Pochard

Haut de page