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Fibromyalgie ou (SPID)
Syndrome polyalgique idiopathique diffus

dernière mise à jour le 25/02/2020

I/ Les mots et les faits

  • Fibromyalgie : affection chronique caractérisée par des douleurs diffuses et une fatigue profonde.
  • Fibrosite : ancien nom parfois donné à la fibromyalgie
  • Polyentésopathie : ancien nom parfois donné à la fibromyalgie
  • Rhumatisme musculaire chronique : ancien nom parfois donné à la fibromyalgie
  • Rhumatisme psychogène : ancien nom parfois donné à la fibromyalgie
  • Algie : douleur
  • Polyalgie : plusieurs douleurs
  • Idiopathique : symptôme indépendant de toute maladie connue, ou dont on ignore la cause
  • Syndrome polyalgique idiopathique diffus (SPID) : terme actuel pour désigner la fibromyalgie
  • Encéphalomyélite myalgique : nom du syndrome de fatigue chronique (SFC) donné parfois par erreur au SPID (fibromyalgie). Les deux se ressemblent en effet beaucoup.  
  • Fréquence : ce syndrome concerne 1% à 2% de la population dont 8 femme pour 2 hommes
  • Âge : la plupart des malades ont entre 30 et 50 ans
  • Début : l’âge moyen de début se situe autour de 35 ans

II/ Combattre les idées reçues

  • Le terme fibromyalgie est incorrect car :
    • Il n’y a pas d’anomalie du tissu fibreux (fibro)
    • Il n’y a pas d’anomalie des muscles (myo)
    • Par contre, il y a des douleurs (algies)
    • Mais ce terme est encore très souvent utilisé par médecins et patients, car il a été consacré par l’usage, il est aussi plus court et plus pratique à utiliser
  • Cette maladie a longtemps été considérée ans comme psychosomatique
    • En effet, les symptômes sont nombreux, divers et variables
    • Ils peuvent tous être confondus avec des troubles psychosomatiques
    • Elle est souvent associée à des troubles anxieux et dépressifs
    • On n’avait trouvé aucune anomalie biologique, cérébrale ou cellulaire
  • Aujourd’hui, cette maladie est bien définie
    • Elle a été décrite en 1950 par Graham
    • Les critères de diagnostic ont été établis par l'American College of Rheumatology (ACR) en 1990
    • Elle a été reconnue par l’OMS en 1992
    • On commence à percevoir certaines anomalies et mécanismes
    • Cependant, utiliser encore autant de noms différents est un manque de sérieux !
  • Cette maladie a longtemps irrité les cliniciens
    • Ils ne la comprenaient pas
    • Ils classaient les symptômes dans les troubles somatoformes
    • Ils la considéraient comme une forme d’hystérie, d’hypochondrie ou de dépression masquée
    • Ou plus souvent, ils considéraient qu’elle n’existait pas
  • Aujourd’hui, la majorité des cliniciens ne pense plus comme cela
    • Ils ne comprennent guère mieux les symptômes, mais la maladie les intrigue
    • Ils perçoivent de nouvelles pistes de compréhension
    • L’imagerie cérébrale montre des signes neurophysiologiques

III/ Les idées forces

Symptômes

  • Les principaux symptômes de la maladie sont
    • Douleurs diffuses,
    • Fatigue intense,
    • Troubles du sommeil
    • Troubles anxieux et dépressifs
    • Différentes manifestations d’allure psychosomatique.
  • Les douleurs
    • Symptôme principal et toujours présent
    • Sourdes ou aiguës (voire les deux)
    • À type de brûlures, piqûres, fourmillements, engourdissement ou raideur musculaire
    • On dit classiquement qu’elles occupent les 4 cadrans du corps
      • Droite et gauche
      • Au-dessus et au-dessous de la taille
    • Elles sont rarement dans les 4 cadrans à la fois
    • Elles changent de lieu de façon erratique
    • Les régions les plus touchées sont :  
      • nuque, épaules et entre les épaules, omoplates, bas du dos, hanches
    • D’autres régions peuvent être touchées :
      • genoux, plante des pieds, fessiers,
      • les mains avec une impression de gonflement
      • la face avec une sensation de crispation ou de mal aux dents
    • Les malades s’expriment en disant ; « j’ai mal partout »
      • Ils décrivent différemment et difficilement leurs douleurs
    • Les douleurs varient selon
      • le moment de la journée
      • le niveau de stress et les émotions
      • l’activité physique.
      • La température ou l’humidité
    • Elles peuvent être pénible au point de limiter l’activité quotidienne
    • Les douleurs doivent durer depuis plus de 3 mois pour confirmer le diagnostic
    • L’ACR a défini 18 points douloureux spécifiques (voir le schéma des points de Yunus à la fin)
      • Très douloureux à la pression (la pression doit blanchir l’ongle)
      • Il faut au moins 11 points douloureux sur 18 pour confirmer le diagnostic
      • La pression en dehors de ces points ne doit normalement pas déclencher de douleurs
    • Ce sont souvent des douleurs mixtes répondant aux trois types de douleurs :
      • Excès de nociception (excès de réaction des fibres nerveuses aux agressions)
      • Neuropathique (souffrance du nerf lui-même)
      • Psychogène (majoration d’origine psychologique )
  • La fatigue
    • C’est un symptôme constant
    • Plus intense le matin que le soir
    • Une sensation de « perte totale des forces »,
    • Pouvant survenir au moindre effort
    • Parfois invalidante
      • Retentissement social et professionnel
      • Le taux d’absentéisme au travail est supérieur à la moyenne
    • La station debout immobile est pénible (signe caractéristique)
    • L’impact psychologique est important (surtout chez les personnes habituellement dynamiques et bonnes vivantes)
  • Les troubles du sommeil
    • Le sommeil n’est pas réparateur
    • Le malade se réveille aussi fatigué, sinon plus, qu’au moment où il s’est couché.
    • Le sommeil est «agité»
    • Il y a une modification de la microarchitecture du sommeil avec des oscillations entre réveils aisés et réveils difficiles
    • Les traitements sont tous inefficaces
  • Les troubles psychologiques
    • Ce sont essentiellement l’anxiété et la dépression
    • Souvent associées au pessimisme et au catastrophisme
    • On constate plus de troubles paniques et de stress post-traumatique
    • On ignore quelle est la chronologie des troubles
      • La dépression est-elle antérieure à la fibromyalgie ?
      • Ou au contraire les douleurs incomprises des médecins et l’inefficacité des traitements provoquent-ils la dépression ?
      • Il est certain que la dépression aggrave les symptômes et vice-versa
    • Il faut noter qu’un grand nombre de malades étaient très actifs et dynamiques avant la maladie
    • La réaction du médecin est capitale et elle est un dilemme pour le patient
      • Soit le patient exprime sa dépression, le médecin pense alors à une douleur psychologique dominante
      • Soit le patient masque ou minimise sa dépression, le médecin minimise alors la douleur.
    • Le médecin doit être empathique comme devant un handicapé ou accidenté de la vie
  • Divers autres troubles sont parfois associés
    • Migraines, céphalées de tension, dysfonctionnement mandibulaire
    • Difficultés de concentration et troubles de la mémoire
    • Hypersensibilité au bruit, à la lumière
    • Intolérance à la chaleur et au froid, phénomène de Raynaud
    • Troubles du transit intestinal : diarrhée, constipation, ou alternance des deux (comme le syndrome du côlon irritable)
    • Troubles urinaires : cystalgies à urines claires, mictions fréquentes
    • Syndrome des jambes sans repos
    • Syndrome du canal carpien
    • Lombalgies et douleurs du rachis
    • Parfois divers troubles neurovégétatifs : sécheresse buccale, hypersudation, vertiges, tachycardie, troubles de l'accommodation, acouphènes.
  • Dans de rares cas, il y a de véritables signes neurologiques objectifs
    • Dysphonie
    • Perturbation de la sensibilité
    • Parésies

Traitements

  • Le plus important est l’éducation thérapeutique
    • Une bonne explication de la pathologie permet de la dédramatiser.
    • Le patient doit être le principal acteur de sa destinée
    • Auto-surveillance des symptômes
    • Modifications du mode de vie : horaires de coucher et de lever fixes
    • Apprendre à gérer ses émotions et maîtriser le stress
    • Réflexion critique sur soi-même en se fixant des buts
    • Il faut aussi impliquer son entourage dans la gestion de la maladie
  • Les thérapies cognitivo-comportementales (TCC)
    • Avec un bon thérapeute elles ont des résultats remarquables
    • Il faut toujours commencer par cela
    • On peut y associer : relaxation, art-thérapie, sophrologie, etc.
  • Les exercices physiques sont également efficaces
    • Ils doivent être progressifs
    • Les jours où les douleurs sont plus faibles
    • Sans excès
  • Les exercices les plus recommandés sont
    • Marche régulière
    • Balnéothérapie, exercices aquatiques, eau chaude
    • Étirements, Tai Chi, Aérobic
  • La stimulation magnétique transcrânienne peut soulager les douleurs
  • L’acupuncture est globalement inefficace 
  • La plupart des médicaments sont inefficaces et/ou dangereux
    • L’immunoglobuline et l’hydrocortisone ont des effets faibles et brefs
    • Les antidépresseurs peuvent avoir un effet bref, mais ils sont dangereux à long terme et provoquent des addictions
    • La prégabaline et la gabapentine peuvent avoir un effet bref et modeste
    • Le paracétamol peut aider provisoirement
    • Le tramadol est les antiinflammatoires sont inefficaces et dangereux
  • Voici les dernières recommandations de la société de rhumatologie (EULAR 2017)
    • La gestion de la maladie doit reposer sur une approche graduée.
    • Le but est d’améliorer la qualité de vie en évitant les traitements risqués.
    • L’approche doit être multidisciplinaire et les décisions partagées avec le malade
    • La prise en charge initiale doit se concentrer sur les thérapies non pharmacologiques.
    • L’exercice physique est recommandé par 100 % des experts
    • Les TCC sont conseillées par 100% des experts
    • Les différents types de méditation sont conseillés par 70% des experts
    • Les massages, l'hypnothérapie, la chiropraxie, le biofeedback sont déconseillés par 75% des experts
    • Aucun traitement pharmacologique n’est fortement approuvé par les experts
    • Les AINS, les opioïdes et les corticoïdes sont fortement désapprouvés par 100 % des experts.

Mortalité

  • Le taux de mortalité est identique à celui de la population générale
  • Cependant, certaines causes de mortalité sont plus fréquentes :
    • Suicide et accidents (en relation avec la dépression et la douleur)
    • Cirrhose et pathologies du foie (en rapport avec la consommation de médicaments et d’alcool)
    • AVC (en relation possible avec un tabagisme accru)

IV/ Espace d’éducation et de progrès

  • La maladie est très fréquente chez les patients atteints de maladie auto-immune
  • On remarque certains facteurs de risque
    • Obésité
    • Sédentarité
  • Certains traits de personnalité sont plus fréquemment retrouvés 
    • empathie, sensibilité, émotivité,
    • manque de confiance en soi, doute, mauvaise estime de soi.
  • On note aussi certains facteurs sociaux
    • Métiers tournés vers les autres : enseignement, santé, social, commerce
    • Avec une fragilité qui rend plus sensibles au harcèlement moral au travail.
  • Ainsi qu’une probable participation génétique
    • Formes familiales
    • Marqueurs D17S2196 et D17S1294 sur le chromosome 17
    • Polymorphisme génétique sur deux gènes de récepteurs adrénergiques α-AR et β-AR
    • L'allèle «S» du gène transporteur de la sérotonine est plus fréquent chez les patients atteints de fibromyalgie et de détresse psychologique
  • Certaines maladies graves semblent favoriser la survenue
    • Maladies cardio-vasculaires
    • Maladies virales (VHC, Coxsackie B, parvovirus)
    • Maladies bactériennes (Lyme)
    • Traumatismes
  • Il y a certainement d’autres facteurs immunologiques et hormonaux méconnus pour l’instant
  • Un scenario classique
    • Petit incident banal de milieu de vie (35-40 ans)
    • Déstabilisation de ces personnes programmées pour aider les autres.
    • Elles vont s’épuiser à tenter de s’en sortir seules.
    • Cette grande fatigue chamboule le système nerveux autonome : c'est la dystonie neurovégétative,
  • Le mécanisme principal est un abaissement du seuil de perception de la douleur
    • Altération des voies descendantes de l’inhibition douloureuse
    • Activation des cellules gliales qui ont un rôle dans la transmission de la douleur 
    • Dysfonctionnement des neuromodulateurs (acétylcholine, sérotonine, dopamine, noradrénaline, substance P, endorphines, métenképhalines, neuropeptide Y, etc.).
    • Insuffisance fonctionnelle de la protéine G impliquée dans la neurophysiologie de la douleur.
    • Perturbations des produits de la glycation avancée ou AGE (advanced glycation end products) pouvant à leur tour modifier les propriétés des membranes cellulaires
  • Le phénomène de « windup »
    • C’est une amplification des impulsions sensorielles dans les neurones de type C non myélinisés
    • Ces neurones de la moelle épinière semblent être plus excitables
    • Après un stimulus douloureux, les stimuli de même intensité sont perçus comme plus forts
    • Les douleurs sont exprimées autant au niveau musculaire que cutané
    • Il dépend de l’activation des récepteurs au NMDA (N-methyl D-aspartate) par le glutamate et la substance P.
  • Autres anomalies parfois constatées
    • Plus de difficulté à moduler la respiration face au stress
    • Les taux urinaires de certains peptides du collagène sont inférieurs (sans explication pour l’instant)
    • Taux élevés de cortisol et de somatostatine
    • Le niveau nocturne d'hormone de croissance (GH) est réduit car elle est sécrétée essentiellement pendant la quatrième phase du sommeil, celle qui est le plus perturbée chez les patients
  • Ce que montre l’imagerie (IRM, IRMf et PetScan)
    • Activation de la microglie (cellules non nerveuses)
    • Modifications de la connectivité intracérébrale
    • Hyperconnectivité entre différentes structures dont le thalamus et les hippocampes
    • Modifications du débit sanguin dans le thalamus et le noyau caudé
    • Augmentation de l’activation du système limbique et cortical somatosensoriel
    • Il y a une « catastrophisation » de la douleur qui peut s’observer en IRMf sur différentes zones du cerveau
      • zones d'anticipation de la douleur (cortex médiofrontal cortex, cervelet)
      • zones d'attention à la douleur (gyrus cingulaire dorsal, cortex préfrontal dorsolatéral)
      • zones émotionnelles de la douleur (claustrum, tout proche des amygdales)
      • zones de contrôle moteur
    • Toutes ces images témoignent de la réalité de la maladie, non de sa cause
  • Le diagnostic est parfois difficile car on peut la confondre avec d’autres maladies
    • Spondylarthrite ankylosante
      • Les deux sont parfois vraiment associé (l’une masquant l’autre)
      • Les douleurs du rachis sont les mêmes
    • Le lupus érythémateux débutant
    • La polyarthrite rhumatoïde et le rhumatisme psoriasique
    • La polymyosite
    • Le syndrome de Gougerot-Sjögren
    • L’hypothyroïdie
      • L’association est fréquente
      • 40% des patients ont des anticorps antithyroïdiens
      • Mais les taux d’hormones thyroïdiennes (T3, T4) sont normaux
    • Le syndrome de fatigue chronique
      • Les deux sont souvent associés
      • Les diagnostics sont souvent confondus
      • Quelques médecins considèrent encore qu’il s’agit d’une seule maladie

V/ Radio trottoir des erreurs quotidiennes

  • Mon médecin me dit que cette maladie n’existe pas. Quelques médecins disent encore cela. En réalité, ils veulent dire qu’on en ignore les causes (ce qui est vrai) et qu’il n’y a pas d’examen pour la prouver (ce qui n’est plus vrai).
  • Mon médecin me dit que c’est dans ma tête. Même si les symptômes proviennent essentiellement de troubles de perception de la douleur au niveau du système nerveux, cela ne veut pas dire qu’ils n’existent pas.
  • Je veux m’en sortir toute seule. Cela est impossible, il faut impliquer votre entourage et divers métiers du soin. Les thérapies comportementales sont les plus efficaces, mais ce sont celles qui impliquent le plus de soignants.
  • Pourtant, j’étais si dynamique avant. C’est probable, les personnes les plus extraverties et les plus altruistes ne sont pas forcément les moins fragiles.  
  • SPID est un nom bizarre pour une dépression ! Cela peut paraître amusant en effet. Mais le but n’est pas là, l’idée est de trouver un nom plus adapté à la réalité clinique. La fibromyalgie a trop souvent changé de nom pour être prise au sérieux. Je dois avouer que ce nouveau nom sous forme de sigle ne me plait pas beaucoup non plus.
  • A l’IRM, on trouve que mon cerveau ne fonctionne pas bien. L’IRM fonctionnelle montre des signes qui sont la conséquence de vos souffrances, pas leur cause.
  • Il parait que c’est aussi une hypothyroïdie. Il y a effectivement des symptômes cliniques d’hypothyroïdie et souvent des anticorps antithyroïdiens, mais le taux d’hormones est normal. Cette énigme provient peut-être de notre ignorance d’une possible maladie auto-immune encore inconnue.
  • J’ai entendu dire que la fibromyalgie était une maladie auto-immune. C’est tout à fait possible et assez réaliste, mais on ne peut pas encore le prouver. Il est certain qu’elle est fréquente chez les personnes qui ont d’autres maladies auto-immunes et que les symptômes ressemblent à ceux de beaucoup d’autres maladies auto-immunes.

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